VILLENEUVE-SAINT-GEORGES
René Fallet : un art de vivre
par Christian GRENTE
(extrait)
Nous sommes aujourd’hui le 18 novembre 1999, jour d’arrivée officielle de ce vin qui accompagna la vie de René : le beaujolais. Un jour de joie et une fête mémorable que nous ne manquions jamais avec les copains. Dès dix heures du matin, nous nous retrouvions à Paris, en compagnie du photographe Doisneau, de l’historien de Belleville et romancier Clément Lépidis, du dessinateur Redon, de l’écrivain Antoine Blondin, de Christian Bailly, créateur du musée de la Presse et du magasin La Galcante rue de l’Arbre-Sec. La tournée des cafés commençait. Puis nous faisions une halte chez La Vieille, un restaurant tenu par la première femme reconnue chef cuisinier par ses pairs, et, pour digérer le copieux repas, nous reprenions la tournée dans le quartier des anciennes Halles et terminions immanquablement dans un restaurant appelé La Tour de Montlhéry près du trou des Halles. Dans cet établissement se retrouvaient des bons vivants comme Alphonse Boudard, Antoine Blondin, Raymond Moretti, Bataille, Audiard, etc., et la fête se poursuivait jusqu’au petit matin, et parfois même plusieurs jours. C’est sans aucun doute de ces journées mémorables que naquit le roman Le beaujolais nouveau est arrivé qui fut adapté ensuite pour le cinéma.
Notre première rencontre se situe vers 1958. René Fallet était déjà journaliste à Libération et au Canard enchaîné. Il accompagnait son ami Georges Brassens au petit studio d’enregistrement de l’avenue de Friedland. J’essayais alors d’interpréter l’une des créations de René- Louis Laforgue, Le Poseur de rails.
Dès lors nous nous retrouvions de temps à autre, en particulier lors des galas où, souvent, René-Louis et Georges avaient la gentillesse de m’imposer en avant-première de leurs spectacles. Nous avions toujours un grand plaisir à travailler ensemble. Ils m’apportaient, par leurs critiques, la véritable connaissance de ce métier.
René Fallet était déjà un personnage célèbre puisque Banlieue sud-est, son roman paru en 1947 qui raconte sa jeunesse à Villeneuve-Saint-Georges, avait connu un grand succès. Ses articles de critique littéraire ou musicale devenaient très prisés. En 1965, il eut la grande joie de recevoir le prix Interallié pour Paris au mois d’août. Il révéla, outre Georges Brassens, plusieurs grands noms de la chanson française comme Jacques Brel, les Frères Jacques, Raymond Devos…
La vie fit que je dus me reconvertir dans le monde du journalisme et, en 1972, je m’établis à Villeneuve-Saint-Georges. Nos rencontres devinrent plus épisodiques mais, fidèles à nos habitudes, nous nous vîmes régulièrement en compagnie de l’ami Christian Bailly et il me demandait toujours des nouvelles de sa ville et des copains d’enfance. Il continuait à venir régulièrement voir son frère et ses neveux qui demeuraient à Villeneuve-Saint-Georges dans le quartier de Triage et il en profitait pour faire une partie de boules. Sa soeur et son neveu habitaient rue de Valenton. C’est ainsi qu’un jour il me prit à partie :
«T’as vu, Christian, ils ont foutu en l’air la maison où je suis né pour en faire un terrain de démonstration des tentes de camping pour Trigano. Mais alors où vont-ils accrocher la plaque Ici est né René Fallet lorsque je serai mort ?»
Cet emplacement accueillit par la suite le tribunal des prud’hommes ; pour un anarchiste dans l’âme, c’était difficile à admettre.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Val-de-Marne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2002