VERSON
La Normandité de Senghor
par Jean-Claude Raoult
(extrait)
Dans les décombres de la décolonisation, Senghor affirme avoir trouvé un outil merveilleux : la langue française. Pour lui, la Francophonie est cet humanisme intégral qui se tisse autour de la terre : cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races qui se réveillent à leur chaleur complémentaire. « Je ne puis m’empêcher de relier la Francophonie à cet autre humanisme, la Négritude, puisqu’aussi bien des peuples noirs se réclament de l’une et de l’autre. Francophonie et Négritude s’influencent, interfèrent et se métissent. »
Un autre concept senghorien est celui de « Normandité ».
Le 21 octobre 1996, à l’Espace Culturel L. S. Senghor de Verson, j’ai accueilli le Président et les 90 ambassadeurs de la Civilisation de l’Universel venus à sa rencontre pour ses 90 ans : « …Verson est aussi le centre conceptuel de la Normandité. En puisant dans cette Normandité que vous définissez comme un lyrisme lucide, vous nous avez donné des pages parmi les plus belles de votre œuvre poétique. » Et beaucoup de s’interroger : « Senghor appartient-il au Sénégal ou à la France, à l’Europe ou à l’Afrique ? Une seule réponse s’impose : ils analysent ce que vous fûtes ; nous savons ce que vous êtes. Vous êtes versonnais à part pleine et entière ; versonnais, le seul terme définitif et définitoire qui traduise parfaitement l’universalité de votre polyculture. »
Pourquoi Verson ? Tout simplement parce que, en 1957, L. S. Senghor épouse Colette Hubert de Betteville qui y possède une propriété acquise en 1816 par l’un de ses ancêtres, le Marquis de Betteville. De 1958 à 1980, cette propriété leur sert de résidence secondaire. Ils y reçoivent la visite de nombreuses personnalités, tel le Président Valéry Giscard d’Estaing.
En décembre 1980, le Président Senghor surprend tout le monde et annonce dans la sérénité, hors de toute contrainte – militaire ou autre – qu’il abandonne le pouvoir, ses pompes et ses solennités. Le chantre de la négritude révèle au monde entier sa Normandité et sa sagesse de grand poète : « La splendeur des honneurs est comme un Sahara… un vide immense. »
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004