Foucquet et La Fontaine à Vaux-le-Vicomte

VAUX-LE-VICOMTE

Foucquet et La Fontaine après la fête flamboyante
par Mireille GÉRARD
(extrait)

Remplissez l’air de cris en vos grottes profondes ;
Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes, […] Chacun attend de vous ce devoir généreux ;
Les Destins sont contents : Oronte1est malheureux.

Jean de La Fontaine

L’affaire Foucquet éclate au lendemain de la fête imprudente du 17 août 1661, où le surintendant reçoit dans sa demeure de Vaux, le roi, la reine mère et six cents invités qui, après avoir découvert les enchantements du parc, sont attendus pour « un dîner préparé par Vatel et servi dans une vaisselle d’argent et de vermeil ».

L’étonnante histoire de Vaux-le-Vicomte, la magnificence de ce château qui annonce Versailles, l’apothéose du surintendant puis sa chute ou, pourrait-on même dire, ce « coup d’État » qui privait le Parnasse de son « Apollon-Mécène » n’ont cessé d’inspirer les écrivains depuis le Grand Siècle jusqu’à aujourd’hui. Lorsque Nicolas Foucquet, surintendant des Finances, entreprit, entre 1656 et 1661, de transformer des terres disparates, achetées au fil du temps, en un lieu exceptionnel par sa beauté, son harmonie et son symbolisme, il avait déjà l’expérience des travaux réalisés dans son hôtel parisien et à Saint-Mandé. Il avait aussi commencé à réunir autour de lui un salon galant où se côtoyaient des femmes distinguées comme Mme du Plessis-Bellière et Mme de Sévigné, de grands seigneurs comme La Rochefoucauld et une pléiade d’auteurs, de savants et d’artistes. Corneille qui, à cinquante ans, se croyait dégoûté du théâtre, se fait l’écho de ce mécénat séduisant dans ces vers enthousiastes qui précèdent sa nouvelle tragédie d’Œdipe, écrite en 1658 et dédiée au surintendant :

Oui, généreux appui de tout notre Parnasse,
Tu me rends ma vigueur lorsque tu me fais grâce,
Et je veux bien apprendre à tout notre avenir
Que tes regards bénins ont su me rajeunir.
Je m’élève sans crainte avec de si bons guides,
Depuis que je t’ai vu, je ne vois plus mes rides.

Cet éloge, qui faisait du surintendant une sorte de Phœbus-Apollon, est une des clés de la construction du château de Vaux-le-Vicomte : en faire la résidence des Muses et l’équivalent français du Parnasse grec. Une fois l’architecte Le Vauchoisi, les travaux, dès 1656, allèrent à un rythme forcené, comme si le surintendant devinait que le temps lui serait compté. C’est à lui que revient le choix d’une pierre blanche et la volonté de multiplier les vues sur un jardin qui fit l’admiration de tous les visiteurs. Le Nôtre, lui, avait sur ordre conçu un projet où une variété savante mêlait les plaisirs de l’art et de la nature. Dans le tome X de son roman-fleuve Clélie, Mlle de Scudéry fait une longue description en forme de promenade et s’extasie sur cette diversité : bois, vergers rustiques, allées, tertres, vignes, terrasses, prairies, parterres, mais surtout, à partir de la rivière de l’Anqueuil, un festival de tout ce que la technique des jets d’eau, alors récente, pouvait imaginer : fontaines, rond d’eau, couronne d’aigrettes, bassin rustique, ruisseaux gazonnés, ba- lustrade de cristal, canal bordé de cent jets d’eaux, allée de cristal dont la pierre luisante est bordée d’un nombre infini de jets d’eau à double rang s’enchâssant les uns dans les autres, etc. Plusieurs statues ponctuaient le parcours : Polyphème avec Galatée, des Tritons, des Amours, le Tibre, et surtout un Hercule se reposant de ses labeurs, dont le thème se retrouvera à l’intérieur du château :

Pour passer du salon dans l’antichambre, on voit au haut du platfond un Hercule sur un char d’or enlevé dans les cieux ; on voit sur ce char un serpent écrasé. La Raison qui est très belle le guide, elle a l’air sage, elle porte un casque, elle tient mesme une espée dont elle semble menacer deux chevaux fiers et capricieux […] qui par leur action impétueuse font assez connaître

qu’ils représentent en cet endroit les passions. […] Ils ont tous deux un sombre éclat dans les yeux.

[…]

Extrait de l’ouvrage La Seine-et-Marne des écrivains (c) Alexandrines, 2015

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