TULLE
Marcelle Tinayre, je te lis avec délice,
par Marie-France Houdart
(extrait)
Des chuchotements venant des tables voisines, des bruits de feuilles qui se tournent, des allées et venues feutrées des chercheurs, je n’entends rien. Page après page, je lis. Une à une, je déplie les lettres avec le plaisir coupable de violer des secrets. Et Marcelle, excuse-moi, ce sont tes lettres que je lis avec délice : celles de ta mère Louise (née Chasteau), celles de ton mari Julien (Tinayre), celles de tes amis de Paris ou du Limousin… exactement comme si je venais de retrouver, au grenier familial, toute la correspondance d’une aïeule oubliée.
Oui, tu es bien née à Tulle, le 8 octobre 1870, place de la cathédrale, où tes parents, une jolie et spirituelle maman et un papa qui ne rêvait que de voyages, se virent offrir en cadeau de noces une boutique de bonneterie… L’aventure dura juste assez de temps pour que tu fasses tes premiers pas sur les quais de la Corrèze. Et puis, quelque trente ans plus tard et la célébrité déjà venue (notamment avec La Maison du Péché en 1902), l’envie te prit d’y revenir en pèlerinage. Tu y fis donc escale un soir d’hiver, et le premier contact ne fut pas engageant. Et pourtant… « Je ne connaissais rien, mais tout semblait me reconnaître. Les choses doucement m’attiraient, me parlaient, me pénétraient d’une tendresse mélancolique… ». Toi aussi, tu reconnaissais ta province natale : « Rien d’elle ne m’était surprise. Tout m’était mystère, prestige, enchantement… ». « J’en garde un souvenir exquis, comme de toute cette Corrèze si mélancolique, si douce, d’un charme sauvage, avec ses bouleaux frissonnants sur les landes, ses étangs, ses bruyères fanées, ses eaux translucides […]. Malgré l’hiver, j’ai senti la grâce infinie de ce pays qui doit être magique au printemps et à l’automne. Je me promets bien d’y reveni », écris-tu à ta mère. Et tu y revins régulièrement.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009