LANNION, TREGASTEL
Charles le Goffic sur ses terres
par Roger Le Doaré
(extrait)
Il est difficile, surtout à Trégastel et à Lannion, d’évoquer la Bretagne sans parler de Charles Le Goffic. Il faut en effet vivre sur place, près de ces rochers où il aimait faire un petit somme, près de ses trous à crevettes où habillé comme un terre-neuvas, il surveillait le renversement de marée ; en partant de Run Rouz, sa thébaïde trégastelloise où le lierre cache aujourd’hui l’échalier qu’il enjamba si souvent, il faut aboutir par le chemin creux à Poul ar Chourtes pour humer la transition des arômes de l’ajonc et des troènes à l’iode, dans le même environnement qu’autrefois, puisque Charles Le Goffic a eu la délicatesse de conserver les noms des lieux et même de ramener vers Run Rouz l’intrigue de beaucoup de ses grands romans comme Morgane, la double confession, le crucifié de Kéraliès, Madame Ruguelou, pour ne parler que des plus connus.
Son attachement à Run Rouz et à Trégastel n’est pas le fruit du hasard. Il faut revenir à son enfance pour comprendre pourquoi ce citadin de Lannion est très tôt attiré par la côte. Orphelin de père dès son premier anniversaire et onzième enfant du second mariage de son père avec Manon Le Tulle, il a la chance d’avoir Marie-Noël, la vieille servante mais aussi son frère Alphonse qui sera son mentor et son premier maître de littérature, pour s’occuper de lui la belle saison venue, à Trégastel, dans un meublé loué par sa mère tandis que cette veuve courageuse continue de faire tourner la librairie-imprimerie de son défunt mari Jean-François Le Goffic, rue des Capucins à Lannion (aujourd’hui rue Jean Savidan).
De ces premières vacances, nous sommes en 1864, naît avec la côte une passion durable qui l’amènera à choisir d’y séjourner souvent et plus tard d’y reposer avec ses proches.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.