Voltaire et les Calas à Toulouse

TOULOUSE

L’Infâme,
par Georges Mailhos
(extrait)

Toulouse, 13 octobre 1761 au soir. Les Calas, une famille de commerçants, marchands d’indiennes, soupent chez eux, au 16 (aujourd’hui, 50) de la rue des Filatiers. Il y a là Jean Calas et sa femme, deux de leurs fils, Marc-Antoine, 29 ans, et Jean-Pierre, 28, commis chez leur père, un hôte, Gaubert Lavaïsse, fils d’un avocat ami de la famille, et la servante. Aussitôt le repas terminé, Marc-Antoine quitte la table, tandis que les autres passent au salon ; il a l’habitude d’aller jouer aux Quatre Billards. Vers 9 heures, Lavaïsse prend congé et Jean-Pierre raccompagne leur hôte. Dans l’entrée, ils découvrent Marc-Antoine apparemment sans vie. Lavaïsse court chercher un médecin. Celui-ci constate la mort et note des marques de strangulation. Les voisins s’attroupent ; on murmure que Marc-Antoine a été étranglé par sa famille pour avoir voulu abjurer le protestantisme. Prévenu, le capitoul David de Beaudrigue arrive avec les soldats du gué, fait quelques constatations très rapides et sur le champ fait conduire à l’hôtel de ville tous les présents dans la maison, y compris la servante. Il procède à l’interrogatoire, mais son siège semble déjà fait : Jean Calas ne pouvait supporter que son fils veuille changer de religion et seul, ou avec Jean-Pierre et peut-être Lavaïsse, il l’a assassiné.

La religion semble donc l’élément essentiel. Certes, les Calas sont catholiques, ils se sont mariés à l’église et leurs enfants ont été baptisés, mais ils font partie des nouveaux convertis qui se contentent de faire semblant d’être catholiques. Le dimanche ils lisent chez eux des sermons du Désert et le Nouveau Testament en français. Toutefois, leur troisième enfant, Louis, 25 ans, qui se manifestait ostensiblement catholique, avait quitté la maison et s’était établi commis dans la même rue. Pour Marc-Antoine, les choses sont plus compliquées. Il a fait des études et, après sa licence en droit, il veut être avocat, mais pour ce faire, un certificat de catholicité est nécessaire. Le curé de la paroisse Saint-Étienne, auquel il s’adresse, exige un billet de confession. Marc refuse : cela semblerait prouver qu’il est intimement protestant et qu’il repousse l’hypocrisie alors courante. Du coup, il reste au magasin dans une position subalterne, lui qui aime faire des armes et goûte la poésie et la musique. Il en devient aigri, il a des accès de mélancolie, se met à jouer de l’argent au billard, fait des dettes, ce qui irrite son père et occasionne de fréquentes querelles dont le voisinage est témoin.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011

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