TOULOUSE
Soleil, cou coupé…
par Pierre Nouilhan
(extrait)
Dans la cour du Capitole, le 30 octobre 1632, à deux heures de l’après-midi, Henri II, duc de Montmorency fut décapité. La ville ne l’a jamais oublié et les lettres de cuivre, lissées par les années qui évoquent son supplice attirent toujours le regard des passants. Il était né le 30 avril 1595 à Chantilly, d’une illustre famille, glorieuse depuis plusieurs siècles, comptant des maréchaux, des cardinaux, des amiraux et des chevaliers de tous ordres et en grand nombre. Son père était lui-même Maréchal et Connétable de France. En un temps où la transmission des charges tenait peu compte de l’âge, il avait reçu à douze ans celle de Gouverneur du Languedoc, à 17 ans la dignité d’Amiral de France, à 18 ans le duché pairie de Montmorency. Marie de Médicis lui donna la main de sa nièce, Marie des Ursins, qui était aussi une petite nièce du pape Sixte-Quint, et qui aima le duc à la folie. Il était beau, sa cour fastueuse. Sa suite ordinaire se composait de cent gentilshommes et trente pages. Homme lettré il protégeait les artistes et Madame de Scudéry lui dédia un de ses romans Ligdamon et Lidias. Il connut et honora le poète toulousain Peire Godolin.
Son hôtel à Toulouse était un ancien couvent dont on vit longtemps les restes à l’angle des rues de la Dalbade et Pierre Brunières.
Henri de Montmorency était aussi un valeureux guerrier que Richelieu n’aimait pas car il souhaitait avoir la maîtrise absolue du gouvernement de la marine. Le Roi ayant demandé à Henri de Montmorency de combattre les protestants, il défit leur flotte et reprit les îles d’Oléron et de Ré en 1625. Il combattit aussi avec succès en Piémont et reçut son bâton de Maréchal. Mais il commit une très grave erreur : il prit le parti de Gaston d’Orléans, frère du Roi, qui depuis Bruxelles où il s’était réfugié, descendit jusqu’au Languedoc avec des troupes pour soulever les provinces contre Richelieu et donc le Roi. Il obtint l‘appui du duc qui prenait ainsi le parti de la Reine mère et de Monsieur contre le Cardinal de Richelieu et Louis XIII. C’était un crime évident de lèse-majesté, qu’il regretta rapidement mais par honneur, sans se dédire. Le 1er septembre 1632 l’armée qu’il commandait rencontra celle du Maréchal de Schomberg devant Castelnaudary. Il fut vaincu et capturé. Le Roi pardonna à son frère mais pas au duc de Montmorency. Il demanda au Parlement de Toulouse de le juger ou plutôt, sous l’influence de l’inflexible Richelieu, de le condamner. Ce qui fut fait, malgré la popularité du Duc de Montmorency en faveur de qui intervinrent les plus grands noms du royaume. Rien n’y fit. La légende prétend qu’avant de mourir il regarda la petite statue de son parrain Henri IV, qui est encore dans la cour du Capitole.
[…]