TOULON
Le Toulon de Vérane, allégresse et volupté
par Michèle Gorenc
(extrait)
Nul mieux que Léon Vérane n’a su rendre la beauté de Toulon, ses palpitations, ses couleurs, ses saveurs. Lovée dans un écrin de montagnes, entourée d’une couronne de villages perchés et de calanques sauvages, la ville se prête aux promenades poétiques que Vérane publie en 1930, chez Émile-Paul Frères, dans l’élégante collection des « Portraits de la France », intitulées sobrement Toulon.
Oui, le poète aime sa ville comme on aime une amante. « Le désir me saisit de courir par tous les quartiers pour revoir d’un seul coup tout ce qui m’a jamais charmé dans Toulon, pour posséder entièrement cette femme insouciante qui s’étire comme une odalisque alanguie dans mes bras. » D’un chapitre à l’autre, en un monologue épistolaire où la confidence et l’amitié laissent couler les paroles du cœur, il entraîne Damon, son lecteur, dans un tourbillon d’images, de sensations et de plaisirs. Il y a de l’Italie, de la Grèce et de l’Afrique dans cette capitale marine. Présent et passé s’entrechoquent comme navires dans le ressac du port. Dans cette « ville d’allégresse et de volupté », on passe de la douceur des fontaines à la moiteur des bars à marins, des senteurs du marché de Provence au charleston du casino des Sablettes, du temple de Comus au cagnard d’Ulysse, du souvenir des Barbaresques au banquet de Priape et de Pan.
De ce Toulon de l’entre-deux-guerres, Vérane est une des figures pittoresques. Grand seigneur aux allures de prince arabe avec sa barbe sarrasine, il parcourt les quartiers populaires en compagnie de « Monsieur », son lévrier. Du cours Lafayette où il habite, jusqu’aux tripots de la basse ville, il entraîne ses amis de bar en restaurant. Le bouge toulonnais se mesure à la gargote de Montparnasse, sous le signe de la lyre et du vin, de Villon et de Théophile. Vérane décrit le demi-monde du port, ses vieux marins perdus entre deux rêves, ses filles aux cheveux rouges.
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2010.