LE CARLA-BAYLE
Un fils du Carla à l’aube des Lumières : Pierre Bayle
par Didier Foucault
(extrait)
Le Carla-Bayle se dresse sur un promontoire qui domine la Lèze, à quelques kilomètres de Pamiers. À l’entrée du village se dresse une église, érigée avec arrogance au temps de Louis XIV comme symbole de l’écrasement des « huguenots ». Décor tapageur et kitch, qui tranche avec l’austère dignité du temple protestant tout proche. Un temple reconstruit au xixe siècle, quand les religionnaires ont retrouvé la liberté de culte. Dans la rue axiale, un petit musée, consacré à celui dont la commune porte aujourd’hui le nom : Pierre Bayle, né entre ces murs en 1647…
La famille était originaire de Montauban, capitale calviniste d’un Midi toulousain où les guerres de religion ont été âprement disputées. Le père s’est installé au Carla comme pasteur. Homme cultivé, il s’occupe de l’éducation de ses trois fils. Dans sa bibliothèque, Pierre, le cadet, découvre Plutarque et les anciens, Montaigne et les modernes.
Arrivé à l’âge adulte, ce quasi autodidacte, curieux et brillant, part à l’académie protestante de Puylaurens pour y parfaire ses connaissances. Mais il n’y reste guère. Toulouse l’attire : en proie à une brève crise de conscience, il entre au collège des Jésuites et se convertit au catholicisme. À peine un an plus tard, il abjure et retourne à la confession de ses pères. En 1670, un tel revirement est un acte grave. L’Édit de Nantes est encore officiellement en vigueur, mais il est appliqué « à la rigueur » par les dévots au service du Roi-Soleil : les relaps sont punis du bannissement à perpétuité ! Pierre Bayle doit fuir. Il abandonne à jamais les siens. C’est désormais de loin, par leur correspondance, qu’il suivra les persécutions dont ils seront victimes et qu’il apprendra le décès de son frère Jacob dans les geôles de Bordeaux.