Jean-Paul Vaillant à Saulces-Monclin

SAULCES-MONCLIN

« L’Ardenne chantée » de Jean-Paul Vaillant ?
par Philippe VAILLANT
(extrait)

Que devenir quand « enfant jeté aux bêtes », on revient de la guerre à 21 ans ? Qu’est-il possible de faire quand est creusé dans les tranchées du « Chemin des Dames », ce jour d’anniversaire ? Et surtout quand on aime son pays, avec encore au fond du palais la saveur de la phrase bien faite ?

Jean-Paul Vaillant a l’intuition de la nécessaire construction européenne par la culture. Afin d’unir les trois Ardennes, il fonde en 1925, la Société des écrivains ardennais. L’Ardenne, qui réunit le Luxembourg, la Belgique et la France, n’est-elle pas le lieu où est mesuré le point géodésique du centre de l’actuelle Europe ? « L’Ardenne au cœur de l’Europe » annoncent les panneaux sur les routes.

Contribuer alors à réunir l’Europe à travers la littérature, quelle idée folle dans un « pays » qui est le passage des invasions d’Attila à Hitler ! Et quelle aventure dans une France toujours fortement centralisée et habitée du mépris jacobin et parisien de la province. Pour inverser la tendance et faire de ce sillon creusé par la Meuse qu’est l’Ardenne un vecteur de paix et de beauté, l’outil le plus efficace est une revue. Une revue fondée entre amis liés par l’amour du même pays avec la grande idée que la littérature est un facteur de progrès humain. Cette revue, La Grive, qui voit le jour en 1928 sera l’organe d’expression de la Société des écrivains ardennais.

L’aventure durera un demi-siècle, de 1925 à 1974.

En 1928, René Daumal et ses amis fondaient aussi la revue Le Grand Jeu. Comme Jean-Paul Vaillant, René Daumal est ardennais. De la même génération, partageant le même goût pour la littérature, les deux hommes ne se sont pourtant jamais rencontrés.

Avec sa revue La Grive, Jean-Paul Vaillant veut donner une substance au « devoir de mémoire » en faisant connaître les attaches ardennaises des grands écrivains. En 1929, il fonde « Les Amis de Rimbaud », association toujours bien vivante, qui édite un bulletin qui deviendra Bateau ivre. Dès 1930, il met l’accent sur « Rimbaud l’Africain » et publie une interview d’Alfred Bardey,  patron de Rimbaud au Harar, dans son livre Rimbaud tel qu’il futd’après des faits inconnus et avec des lettres inédites. La volonté de transmission anime Jean-Paul Vaillant et ses amis et donne sens à l’action qu’ils conduisent en érigeant çà et là sur la terre d’Ardenne, les signes d’une présence littéraire. Commémorer, c’est marquer d’une pierre une présence pour qu’elle devienne maillon dans la chaîne du souvenir. Ils sont à l’origine des plaques commémoratives de Michelet à Renwez, Taine et Drouot à Vouziers, Jules Mary à Launois, Georges Sand à Revin, au mont Malgrétout, et de beaucoup d’autres encore, Verlaine à Paliseul (Belgique), Apollinaire à Stavelot-Malmédy (Belgique), Victor Hugo à Vianden (Luxembourg)… Jean-Paul Vaillant se tourne résolument vers la grande région qui va de la Champagne à la Wallonie avec, pour cri de ralliement, Mézières-Champagne-Charleville-Wallonie. Et, pendant cinquante ans, le lien entre les écrivains de ces pays sera tissé par La Grive.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans les Ardennes, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2004.

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