SANARY-SUR-MER Allemands

SANARY-SUR-MER

« Capitale secrète de la littérature Allemande »,
par Jean-Luc Guillet
(extrait)

 

 

« Sanary-sur-Mer, capitale secrète de la littérature Allemande » : cette fameuse exclamation de Ludwig Marcuse n’est pas qu’une boutade. À partir de 1933, Sanary-sur-Mer devient le haut lieu de la culture germanique après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et le lancement de la campagne pour la destruction de la littérature « d’esprit non-allemand ».Traditionnellement francophiles et francophones, les intellectuels allemands ayant dominé la vie culturelle de la République de Weimar dans des domaines aussi variés que la littérature, la musique, le théâtre ou les arts plastiques, sont nombreux à choisir ce havre de paix, petit village provençal posé sur le rivage méditerranéen, pour tenter de se réorganiser et se reconstruire.

Ces exilés se nomment Thomas Mann, Berthold Brecht, Lion Feuchtwanger, Ludwig Marcuse, Bruno Franck, Franz Werfel, Franz Hessel, René Schickele ou encore Wilhelm Herzog. Chacun s’installe à Sanary pour une durée plus ou moins longue qui se poursuit pour certains jusqu’en 1942. Une réelle vie sociale et intellectuelle tente de se réorganiser autour des villas des plus nantis, telles celles de Mann, Feuchtwanger ou Schickele, qui bénéficient d’une renommée mondiale et parviennent à sauvegarder une certaine aisance matérielle, la plupart de leurs compagnons d’infortune vivant dans la précarité. On se reçoit à tour de rôle, on partage ses réflexions et ses doutes, on analyse la situation sur le danger nazi.

Le café devient « à la fois la maison familiale et la patrie, l’église et le parlement » écrit Herman Kesten. Au café de la Marine, au bar le Nautique, on parle littérature, on évoque ses préoccupations provoquées par le manque d’argent, le problème du passeport ou du non passeport, les visas de transit, les autorisations de travail et de séjour, les cartes d’identité ou les titres de voyage. En exil, les heures pleines et sereines se conjuguent avec les mauvais rêves. La nostalgie pointe à chaque instant ; on pense à son pays, à sa maison, à ses amis, à ses affaires laissées derrière. Pourtant, et pour des raisons évidentes, de solides relations, fragmentaires ou durables, se scellent entre ces hommes et ces femmes à la recherche d’un abri amical et de consolations. À Sanary, et bien que déchus de leur nationalité par les autorités du Reich, les écrivains sont vus avant tout comme des Allemands : quinze ans après, la Grande Guerre a laissé d’innombrables blessures parmi les Sanaryens !

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains(c) Alexandrines, février 2010.

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