SAINT-QUENTIN
Un enfant de Saint-Quentin : André Billy
par Michel DÉCAUDIN
(extrait)
» Je naquis à Saint-Quentin au n°1 de la rue de l’Évêché le 13 décembre 1882 « . C’est ainsi qu’André Billy commence dans La Terrasse du Luxembourg le chapitre de ses souvenirs d’enfance. Il nous rappelle que » si Saint-Quentin n’est pas en Flandre, les moeurs y ont déjà un style flamand, une bonhomie grasse » :
Le repas de midi s’appelait le dîner ; celui du soir le souper. On buvait peu de vin : la boisson ordinaire était la bière, dite bière du Nord ; assez plate, elle coûtait deux sous le litre. Le fromage était celui de Marolles, qu’on prononce aussi Maroilles, ou l’estoffé, fromage blanc relevé d’ail et de fines herbes, qu’on faisait durcir pendant huit jours à la cave ou qu’on mangeait frais en tartines. La charcuterie de Saint-Quentin était, comme dans la plupart des villes du Nord, renommée. Le refrain traditionnel du carillon de Saint-Quentin en fait foi :
On carillonne à Saint-Quentin
Des tripes et du boudin,
Des tripes et du boudin.
Par son histoire comme par son mode de vie, la petite ville située à mi-chemin entre Paris et Charleroi est en effet tournée vers le Nord bien plus que vers l’Île-de-France. Elle allie à cette époque, non parfois sans tensions sociales, une vieille tradition provinciale à l’industrialisation sauvage du XIXème siècle, en l’occurrence le tissage du coton dans de petits ateliers puisque Pierre Larousse en compte dans la région presque mille pour treize mille ouvriers, alors que la commune n’a pas trente-cinq mille habitants.
La cité est bâtie sur ce contraste. Les quartiers industriels récents construits en briques regroupent les manufactures aux murs blanchis à la chaux et les » petites maisons ouvrières alignées à perte de vue » analogues aux corons de la région minière voisine. Ils entourent un centre historique avec des monuments qui n’ont que peu retenu l’attention du jeune enfant. Contrairement à la plupart des témoignages contemporains qui remarquent son aspect plaisant, Billy trouve que sa ville natale » n’est pas une belle ville ». Il est vrai que ses images d’enfance ont perdu leur fraîcheur avec le temps. Le vieux puits de la Grand-Place, » élégant » et » à l’échelle de la place « , a été remplacé par un monument qu’il trouve « volumineux » et les rues que, petit, il voyait « immenses, majestueuses », ne laisseront à son regard d’adulte qu’ « un désenchantement ».
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade dans l’Aisne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007