SAINT-OUEN-le-PIN
François Guizot, un Normand de cœur
par Catherine COSTE
(extrait)
François Guizot fut un normand d’adoption. Député du Calvados pendant dix-huit ans de 1830 à 1848, il fut président du Conseil général à partir de 1841. Ce Nîmois protestant enracina sa descendance en terre normande par l’achat, en 1836, du Val-Richer, une ancienne abbaye cistercienne devenue bien national avec la Révolution.
À cette date, Guizot était déjà un historien célèbre et un homme politique en vue de la monarchie de Juillet. Âgé de quarante-neuf ans, il était deux fois veuf. Sa première femme, Pauline de Meulan, de quatorze ans son aînée, mourut de la tuberculose laissant un fils, François qui décéda d’une pleurésie un an après l’achat de la propriété. Veuf, Guizot se remaria avec Éliza Dillon, la nièce de Pauline. Leur union fut de courte durée. Éliza mourut à la naissance de son troisième enfant, à vingt-neuf ans, laissant un Guizot inconsolable. C’est sa mère, déjà âgée de soixante-huit ans, qui éleva ses petits-enfants avec son fils.
Très vite Henriette, la fille aînée, occupa une place à part dans le cœur de ce père meurtri par les deuils. « Je n’ai plus que toi », lui dit-il en l’embrassant tendrement après les obsèques de son fils François. La petite fille avait sept ans. « Je passerai toute ma vie avec toi », écrivait Henriette à son père deux ans plus tard. Guizot conserva toujours ce petit billet. Ainsi s’est nouée dès la petite enfance entre le père et la fille une belle relation affective qui fut un grand soutien pour Guizot, et pour sa fille, l’engagement de toute une vie.
Le Val-Richer devint le lieu de vacances familial. Les enfants attendaient passionnément l’arrivée de leur père, retenu à Paris. Guizot aimait leur lire des histoires, leur apprendre des jeux ; il les admettait à table très jeunes et leur parlait beaucoup. Loin, il leur écrivait tous les jours et n’oubliait jamais un anniversaire. Cet homme, qui aimait « le mouvement de l’esprit » comme il disait et détestait s’ennuyer, apportait à ses proches toute l’animation et la vivacité de son caractère méridional. Le père avait aussi une conception moderne de l’exercice physique et du grand air. Aussi écrivait-il à sa vieille mère, encline à confiner les enfants dans la maison, de les laisser jouer dehors en toute liberté.
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004