SAINT-BRIEUC
Les Bretagnes de Jean Grenier,
par Jacques André
(extrait)
Jean Grenier ressemble à ces Bretons du xviie siècle attachés à leur pays qu’ils ont dû quitter un jour, curieux de tout, attirés par la découverte d’autres économies, d’autres espaces, d’autres manières d’être et d’autres pensées.
C’est en 1900 que la famille Grenier rejoint Saint-Brieuc après avoir séjourné à Paris. Elle se fixera dans une grande demeure près de la place Saint-Michel, à deux pas du centre-ville. Jean Grenier sera scolarisé au collège tenu par des Marianites, comme Mauriac le fut à Bordeaux. Ces pères sévères s’évertuaient à créer une atmosphère de dévotion mystique pour le moins ténébreuse : ils n’hésitaient pas à effrayer leurs élèves en leur imposant l’idée que la mort était partout.
Dans l’œuvre abondante de l’écrivain, le récit intitulé Les Grèves (1957) se fait l’écho de ses années d’enfance et d’adolescence. L’auteur y exorcise les fantômes du passé, les choses et les hommes qui ont été les témoins de son premier âge. C’est au manoir de Beg-an-Fourm près de Trédrez, petit village côtier dominant la baie de Saint-Michel-en-Grève, que Jean Grenier découvrait la beauté naturelle des paysages marins. C’est sur cet éperon rocheux que le jeune promeneur ressentait une forte attraction pour le grand Tout. Trébeurden, riche en sites néolithiques, fut pour lui un autre lieu de prédilection. À Trébeurden résidait une partie de sa famille qu’il visita régulièrement tout au long de sa vie. Cette station balnéaire, à la côte basse et ciselée, devait mettre un peu de tempérance dans sa première attirance adolescente et romantique pour les rivages du Nord de la Bretagne. Quand l’écrivain se retourne sur son passé, il voit dans ces grèves bretonnes le symbole de l’indétermination alors qu’il tient le monde méditerranéen pour le symbole de l’exactitude.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.