SAINT-ANDRÉ-DE-NAJAC
L’abbé Justin Bessou, « un des maîtres de la langue méridionale »,
par Jean Delmas
(extrait)
La gloire de Bessou est surtout buissonnière. Ses mots d’esprit que l’on appelle des bessounados (graphie normalisée : beçonadas), ses chansons, ses contes, ses historiettes continuent de courir dans la campagne, de voler sur les tables des banquets et ce n’est pas médire ! Ils sont entrés dans la tradition du Rouergue à laquelle il les avait peut-être en partie empruntés. On ne sait plus s’ils viennent de lui, tant ils nous appartiennent. Être à l’origine d’un nom commun, ce n’est pas si courant. Une bessounado, c’est une de ces réparties de Bessou, qui ont fusé spontanément de sa bouche, vives, percutantes, cruelles souvent, mais si drôles que celui qui les entendait ne pouvait s’empêcher de les répéter… et cela dure depuis plus de cent ans.
Né en octobre 1845, à Saint-Salvadou, dans le Ségala aveyronnais, Justin Bessou rêve d’apporter l’Évangile à des populations lointaines. La vie en décide autrement. Il devient « missionnaire de Vabres », un de ces prêtres diocésains dont on a remarqué les dons oratoires et que l’on pousse, non pas à l’évangélisation du Rouergue, ce pays est alors un des plus pratiquants de France, mais à la prédication de retraites dans le but de raviver la ferveur des paroisses. Bessou est finalement simple vicaire à Saint-Geniez-d’Olt, puis à Marcillac, où il froisse quelques personnes de la bonne société par ses bessounados. Son évêque l’envoie en punition, dit-on, à Lebous, une toute petite paroisse à l’autre bout de son Ségala, à deux pas de Durenque où est né, presque la même année que lui, le poète François Fabié. Mais Bessou l’a précédé de peu en écriture avec un recueil de poésies françaises dont le titre aurait pu être de Fabié lui-même : Merles et Fauvettes. Dans son exil champêtre, il médite un grand poème occitan en douze chants, douze comme les mois de l’année, D’al brès a la toumbo (Du berceau à la tombe). Il l’achèvera dans sa nouvelle paroisse, Saint-André-de-Najac, au-dessus du Viaur, tout près cette fois-ci de son village natal. Son évêque, le cardinal Bourret, lui a pardonné et le gratifie même d’une préface… en langue d’oc ! La gloire est venue d’un coup et elle lui a donné un abeluc (une ardeur d’écriture) qui ne prendra fin qu’avec sa vie. L’origine de cette vocation occitane reste un mystère. Mais elle ne sera pas sans conséquence.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.