ROUEN
Corneille le Grand,
de Rouen à la postérité,
par Myriam Dufour-Maître
(extrait)
Parmi les gloires de la Normandie, de la Seine-Maritime et de Rouen, qui ne pense aussitôt à Pierre Corneille ? Bien que le poète dramaturge ait vécu à Paris la dernière partie de sa vie, à partir de 1662 et jusqu’à sa mort le 1er octobre 1684, c’est au lieu de sa naissance, à Rouen le 6 juin 1606, que la mémoire collective l’a attaché et l’attache encore aujourd’hui. La maison natale de la rue de la Pie, la maison des champs de Petit-Couronne, le collège de Bourbon devenu l’actuel lycée Corneille, la Table de marbre au palais de justice, le château de Boisguilbert, le village du Neufbourg dans l’Eure, autant de lieux où les promeneurs cherchent le souvenir sensible de l’auteur du Cid, de Cinna, de Polyeucte…
Rien pourtant n’est moins chargé d’événements connus que la vie de Pierre Corneille. Avocat du Roi, père de famille, marguillier de sa paroisse Saint-Sauveur, Corneille ne répond en rien à l’imagerie que l’époque romantique a répandue de l’artiste en marge de la société, du génie fiévreux qu’oppriment le pouvoir et l’argent. Ainsi, les anecdotes les plus fameuses qui ont couru sur Corneille sont-elles le plus souvent fausses, ou bien enjolivées : à l’examen des faits, s’effondre la légende du vieux Corneille devenu si misérable et si obscur qu’il aurait été contraint de se nommer au savetier qui rapetassait son soulier trop usé ! Bien improbable aussi, la passion qu’il aurait éprouvée pour la comédienne Marquise du Parc : les poèmes galants, dont les fameuses « Stances à Marquise » que Brassens chanta naguère, sont sans doute moins l’expression d’une flambée amoureuse, chez cet homme dévot et rangé de plus de cinquante ans, qu’un exercice de style auquel Ronsard s’était lui-même jadis livré dans le cruel « Quand vous serez bien vieille… ». Fontenelle, dans la Vie de Corneille qu’il consacre à son oncle, nous met sur la bonne piste : « La vie de M. Corneille, comme particulier, n’a rien d’assez important pour mériter d’être écrite ; et à le regarder comme un auteur illustre, sa vie est proprement l’histoire de ses ouvrages. »
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Seine-Maritime, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007