ROUBAIX-WASQUEHAL
Sur les traces de Maxence Van der Meersch,
par Térèse BONTE
(extrait)
Maxence Van der Meersch est indissociable du Nord et la Flandre est ancrée en lui. Comme en un concerto, deux thèmes se répondent, s’enlacent et se conjuguent : la vie de Maxence Van der Meersch s’inscrit dans l’histoire du Nord. Raconter l’une, c’est évoquer l’autre.
Alors, parcourir le Nord sur les traces de Maxence, ou relire Van der Meersch dans les paysages qu’il anime ? – Venez plutôt, avec lui et chez lui, vous découvrir vous-même !
Le premier itinéraire sera frontalier.
Un trottoir sur Roubaix, celui d’en face sur Tourcoing, la rue Cuvier est frontière. Maxence Van der Meersch y naît le 4 mai 1907, « à Roubaix mais regardant Tourcoing », disait son père.
Et toute sa vie se déroulera en frontière, aux confins de Wasquehal, de Croix ou de Mouvaux. De vraies frontières, avec les bascules qui pèsent les marchandises en transit d’une ville à l’autre, et les bureaux d’octroi qui prélèvent les taxes correspondantes. La loi y est dure, même aux pauvres gens : si vous traversez la rue Cuvier pour vous rendre chez le boucher ou l’épicier, prenez garde : un employé vêtu de sombre – on dit tout bonnement un noir – vous coincera au retour pour exiger quelques centimes ; alors on dissimule la tranche de pâté dans la poche du tablier ou le paquet de chicorée sous le châle de laine : qui dit octroi dit contrebande !
Comme souvent les rivières délimitent le pays, ainsi les canaux bornent et balisent nos villes industrielles. Le paysage quotidien de l’écrivain, c’est le canal de Roubaix, son canal frontière.
Empruntez la berge, du Fresnoy au Blanc-Seau et jusqu’au bout du quai des Alliés, vous pénétrez avec Van der Meersch dans sa construction d’adulte ; ce paysage à arpenter, c’est une vie à relire ; c’est là qu’il rencontre Thérèze Denis, la Fille pauvre qui devient sa Compagne. Il a vingt ans et, jeune homme amoureux, franchit la frontière entre l’adolescence de petit bourgeois et la maturité d’adulte responsable. Il prend ses distances avec son père, il passe le pont du Blanc-Seau, le pont, sacrement de choix personnel, d’organisation interne, de construction de soi. D’un côté, les grues et les tas de sable, la fortune et la sécurité de l’entreprise paternelle ; sur l’autre rive, la maigre verdure, les terrains vagues, la presque campagne, le foyer à bâtir et l’œuvre à écrire. Pour le rejoindre désormais, il faudra passer le pont.
Son premier roman est ainsi fait : Sylvain, le fraudeur à vélo, propose son tabac belge de Furnes à Dunkerque, à gauche du canal de Furnes, tout au long de la Nationale 1. Un jour, il franchit le pont, il passe de l’autre côté. Le vieil estaminet, la radieuse Pascaline, l’envie de tout recommencer, de repartir à zéro, c’est au-delà… La Maison dans la dune est sur l’autre rive.
Extrait de l’ouvrage :Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005