RENNES
Alfred Jarry, le pèlerin aux chemins célèbres,
par Julien Schuh
(extrait)
Né à Laval en 1873, Jarry s’est pourtant toujours rêvé en Breton de souche. Sa mère, Caroline Quernest, était née à Rennes ; lorsqu’elle se sépare de son mari, en 1879, elle emmène ses enfants, Alfred et sa sœur aînée Charlotte, vivre près de son père à Saint-Brieuc. Jarry, bon élève, y poursuit sa scolarité ; il moque gentiment les briochins dans des poèmes de jeunesse. Ses professeurs lui conseillant de poursuivre ses études à Rennes pour s’orienter vers les classes préparatoires parisiennes, la famille s’y installe en 1888, au numéro 18 du boulevard Laënnec. C’est au lycée de Rennes que Jarry fait une rencontre décisive pour son œuvre et pour la littérature : celle de Félix Hébert, docteur en météorologie, professeur de physique et pédagogue médiocre, chahuté par des générations d’élèves qui avaient élevé ce falot personnage à un rang mythologique : devenu le P.H., le Père Heb, ou plus simplement Ébé, il vivait, dans les marges des cahiers des potaches, des aventures burlesques. Charles Morin, âgé de quatre ans de plus que Jarry, avait recueilli et augmenté la geste du Père Hébert, synthétisée dans une pièce intitulée Les Polonais ; son frère, Henri Morin, du même âge que Jarry, lui fit connaître ces pochades, et Jarry ne tarda pas à s’approprier le personnage. En transformant Les Polonais en Ubu roi, et en métamorphosant le caricatural professeur Hébert en Ubu, Jarry lui offre l’immortalité de la gloire littéraire.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.