Préface balade var jacques serena

AVOIR LIEU
par Jacques Serena
(extrait)

Ma vie est ainsi faite que pour se perpétuer elle nécessite beaucoup de déplacements, à travers le pays et à l’étranger. Autant pour faire entendre mes textes que pour m’éprouver en d’autres lieux, autres circonstances. Aller voir ailleurs si j’y suis, peux y être, comment.

Mais, même si ce sont des éloignements plutôt volontaires, arrive un soir, en général autour de vingt-deux heures, où soudain je me sens loin, exilé, comme puni, banni. Sur la couverture d’un de mes carnets d’errance, j’ai retrouvé écrit ce jeu de mots révélateur : le banni se ment.

Au lendemain de ce soir-là, à la première heure je saute dans le premier train, pressé alors de rentrer faire le point. Et c’est toujours dans le Var que je reviens. Pour tout dire, moi, c’est à Ollioules. Mon terrier, pied à terre. Ma table dans le cabanon au fond du jardin ou sous le néflier, selon la saison.

Ailleurs, c’est pour me perdre, m’oublier. Un besoin sporadique. Le Var, Ollioules, c’est pour me retrouver. L’autre besoin sporadique. Me retrouver un peu changé, à chaque fois, heureusement, mais avec quand même des constantes, heureusement.

C’est le deuxième soir, à Ollioules, que je me sens en adéquation avec le lieu. Où des évènements peuvent avoir lieu. Là, je parle autant de chez moi que du cœur du village lui-même, où j’ai mes amis, Karen, Daniel, Andréa, Viviane, mes repères, aussi bien repaires, mes réminiscences, moments extraordinaires, auxquels je tiens, et moments affreux, auxquels je tiens autant, bien sûr. Je sens que ces lieux, rues, ruelles, places, bars, parkings, ateliers, dans ce village aux dimensions à mon échelle, idéales pour moi, ces lieux vont encore m’offrir des instants de vie qui ne s’inventent pas. Événements comme autant de bribes de réalité soudain données à voir.

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2010.