PLEUMEUR-BODOU
ILE-GRANDE
par Denise Le Dantec
Sous l’averse automnale ou printanière, lorsque l’air est plus tonique, comme à n’importe quel autre moment de l’année, c’est toujours l’estran, cet espace se découvrant périodiquement sous l’effet de l’attraction lunaire, qui suscite en moi les sentiments les plus puissants.
La terre, sortie des flots, est d’une extrême luminosité, même s’il pleut ; et lorsque le soleil perce, le regard glissant au loin, l’étendue paraît immense jusqu’à dépasser l’horizon.
La machinerie cosmologique de la lune et de la mer s’est pour ainsi dire relâchée. Ce qui fut tenu secret par le couvert de l’eau se dégage dans l’éclatement, la fragmentation, l’émiettement.
C’est une scène sans principe ni gouverne : rocs, lancées de dune, galets, granulats, luisant d’algues et d’écume…
Le sable est parsemé de coquillages évidés ou presque enfouis — comme les solens que l’on attire avec des grains de sel —, de laisses de goémon, de vases, de flaques, de petits cailloux de lest qui blessent les pieds.
On marche sur un sol aux motifs marins qui se forment et se déforment au rythme du flux, à travers les prismes de la lumière littorale.
Quelques barques exhibant leur carcasse blanchie par la mer et le vent salins ont sombré, on ne sait plus depuis combien de temps ; d’autres sont déjà noires. Après avoir transporté des chargements de poissons, et surtout du granite, émergeant à peine des touffes de roseaux, elles attendent leur détérioration complète.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.