CHANCAY
Pierre Halet, dramaturge de la paix et de l’humour,
par François-Marie Pons
Pierre et Madeleine Halet arrivèrent à la maison comme deux oiseaux rares en quête de congénères de leur espèce. Oiseaux rares, mes parents l’étaient à leur manière : mon père, graveur illustrateur, autodidacte et penseur solitaire, ma mère, « fermière au foyer », fille de la vedette très populaire du cinéma muet, René Navarre, créateur de Fantômas à l’écran en 1913, tous deux avaient choisi d’édifier leur nid au fond des bois dans la campagne tourangelle. Je devais avoir une dizaine d’années à peine quand Pierre et Madeleine firent de leur visite amicale un rite dominical quasiment indéfectible, au coin du feu en hiver, à l’ombre des tilleuls en été. Ils partageaient avec mes parents cette sérénité ligérienne faite d’atmosphères tendres et de ciels amples, le goût de la discrétion et de l’authenticité, le plaisir de la discussion et une passion intègre pour la création, la poésie et la défense des grandes causes.
Les correspondances que Pierre entretenait régulièrement avec des personnalités comme Gaston Bachelard ou René Char renforçait son attrait pour les sentiers hors-pistes où s’aventurait l’imaginaire contemporain.
Mon premier souvenir d’eux est associé aux Quatre Saisons de Vivaldi, et comme il n’y avait rien de moderne chez nous, ils apportaient leur Teppaz, un tourne disque joliment conditionné dans une valise de couleur crème dont le haut-parleur occupait le couvercle. Et puis le titre du compositeur italien faisait écho au premier recueil de poèmes que Pierre avait publié, les Quatre saisons de l’arbre. Parfois aussi, nous allions chez eux à Chançay. Leur demeure de plein pied, donnant sur un jardin abondant, aux murs de tuffeau, coiffée d’ardoises, se nichait au creux d’un coteau où lui cultivait ses vignes, quand il n’écrivait pas, tandis qu’elle enseignait le dessin à l’école communale, quand elle ne peignait pas…