OLLIOULES Moustiers

OLLIOULES

Le pays des mots
par Pierre Moustiers
(extrait)

 

 

J’avais un an lors de ma première aventure dans le Var. À cet âge, on ne vit pas seul et l’on dépend des autres. Je suivais mes parents, tous deux instituteurs à Pignans et qui venaient d’être appelés à Ollioules pour exercer leur métier dans un village plus important.

C’est donc à Ollioules que j’ai fait mes premiers pas et que ma conscience s’est éveillée aux images. Nous occupions, au sommet du village – à cette époque, Ollioules avait à peine mille habitants –, un appartement attenant à l’école communale et que tous les Varois de la région appelaient « le château ». La cour de l’école voyait se dresser deux micocouliers que l’on peut encore admirer de nos jours, plus imposants et centenaires qu’autrefois. Le portail d’entrée donnait sur une place d’allure paysanne, sur des ruines moyenâgeuses et sur la campagne. La place attire toujours les joueurs de boules ; les ruines sont plus suggestives que jadis, et la campagne moins boisée qu’en mon enfance. Je me souviens, notamment des pots en terre accrochés aux pins dont, après entaille, on recueillait la résine. On me défendait d’y enfoncer le doigt et cette interdiction, bien sûr, m’en donnait l’idée. Le contact de ce liquide collant charmait mon index. Je n’appréciais pas le goût âcre de la résine, mais j’aimais son odeur que je retrouvais sur la colophane dont mon père imprégnait les cordes de son violon et les crins de l’archet.

À Ollioules, après s’être éveillée aux images, ma conscience s’est intéressée à la parole, la mienne et celle des autres. Un matin, je devais avoir trois ans et surveillais mon portrait reflété par l’armoire à glace quand ma mère qui venait de m’habiller m’a dit « Tu te regardes et tu es bavard ! » Ce reproche innocent ne m’a jamais quitté. Depuis, je ne peux entendre le mot « bavard » sans voir en pensée une armoire à glace. Parfois, elle m’apparaît quand j’écris. Aussitôt, je me dis : « Méfie-toi ! Il est impardonnable, plume en main, d’être bavard ! »

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2010.

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