NOYON
Jean Calvin, de Noyon
par Frédéric K. PANNI
(extrait)
Johanne Calvino noviodunensi autore. L’identité de notre auteur figure sur la page de titre de l’Institution de la religion chrétienne publiée à Bâle en 1536. Jean Calvin a alors 26 ans. C’est la seconde et la dernière fois qu’il signe un ouvrage en mentionnant sa ville natale. Jean Calvin est né à Noyon le 10 juillet 1509. Son dernier séjour dans cette ville date de l’été 1536. Il quitte alors définitivement le royaume de France pour Bâle, Strasbourg puis Genève, où il meurt en 1564. Sa vie et sa production littéraire seront celles d’un exilé.
Les allusions de Jean Calvin à sa ville ou sa région natale sont rares. D’une façon générale, Jean Calvin se livre extrêmement peu dans ses écrits, même dans des textes à caractère autobiographique. Il faut croire ce qu’il écrit dans la préface au Commentaire des Psaumes de 1558 où il affirme, même si c’est pour justifier une vocation de pasteur d’origine divine, être«d’un naturel un peu sauvage et honteux». Le sévère Jean Calvin fait pourtant preuve d’une grande émotivité dans l’existence privée. En juillet 1545, il pense qu’on lui a volé la documentation nécessaire à la rédaction d’un ouvrage. «Cela m’a causé une indignation telle, écrit Calvin, que le108 lendemain j’ai dû rester au lit.» Il ne peut reprendre le travail «qu’après [s’]être calmé». Malgré l’amitié profonde qui le lie à plusieurs de ses correspondants, les lettres du Réformateur ne traduisent qu’avec une extrême retenue cette vive sensibilité. En 1552, alors que la Picardie est dévastée par les troupes espagnoles, Jean Calvin confie à un intime : «En attendant, ce que je n’aurais jamais cru possible, je vis, survivant à ma patrie. La ville où je suis né vient d’être totalement dévorée par un incendie, et chaque jour nous sommes réduits à apprendre les horribles malheurs de toute la Picardie.» A un autre correspondant, il écrit qu’un ami lui a rapporté que «parmi les ruines de ma ville, un étrange spectacle s’est offert à lui : la maison de mon père restait intacte au milieu de toutes les autres incendiées». Pour tout commentaire, Jean Calvin se contente de citer son informateur qui ne doute pas qu’il s’agisse d’un signe divin à l’intention de ses anciens compatriotes hostiles aux réformés.
On cherchera ainement dans l’œuvre de Jean Calvin une description des bords de l’Oise à Pont-l’Évêque, d’où la famille de son père est originaire, ou une évocation du milieu familial de son adolescence. On lit, dans la préface déjà citée : «Dès que j’étais jeune enfant, mon père m’avait destiné à la Théologie : mais puis après, d’autant qu’il considérait que la science des lois communément enrichit ceux qui la suivent, cette espérance lui fit incontinent changer d’avis. Ainsi cela fut cause qu’on me retira de l’étude de Philosophie, et que je fus mis à apprendre les Lois ; auxquelles, combien que je m’efforçasse de m’employer fidèlement, pour obéir à mon père, Dieu toutefois par sa providence secrète me fit finalement tourner bride d’un autre côté.» Calvin n’en dit pas plus sur son père, Gérard, bourgeois de Noyon, administrateur des biens du chapitre de la cathédrale, excommunié et mort sans les derniers sacrements en 1531, finalement inhumé en terre bénite après que Jean et son frère aîné Charles eurent difficilement négocié avec les chanoines la levée posthume de l’excommunication. Les archives peuvent être plus prolixes que l’écrivain quand il s’agit d’affaires intimes.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Oise, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 1998.