NOGENT-SUR-MARNE
Mon ami Cavanna
par Wolinski
(extrait)
J’ai fait la connaissance de François Cavanna en 1961. Il était rédacteur en chef de Hara-Kiri, j’étais soldat en Algérie. Je lui avais expédié des dessins, et il les avait publiés dans le n° 7. À l’occasion d’une permission, je suis allé au siège du journal, rue Choron, depuis, je suis l’ami, le frère, le disciple, le complice et le fils de Cavanna. Je lui dois tout parce que sans lui je n’aurais jamais su que j’avais du talent. Cela fait 39 ans que je dis que sans Cavanna je ne serais rien.
Nous étions très pauvres au début des années 60 ; nous allions manger des soupes de nouilles chez les Chinois près de la gare de Lyon. 2,50 francs la portion. Je raccompagnais Cavanna dans ma 2 CV, après les réunions hebdomadaires, dans la maison qu’il avait pratiquement construite de ses mains au Plessis-Trévise, au bord d’un immense champ de blé. Dans la voiture, il me racontait son père, la guerre, les camps, les femmes, son chien. Il parlait, parlait, trop exténué, trop épuisé, pour aller se coucher. Il ne savait pas qu’il me racontait ses futurs romans. Parfois je l’accompagnais chez lui pour boire un dernier verre. Il y avait plein d’animaux dans la petite forêt qu’il avait plantée, je me souviens de sa vieille poule, amoureuse de lui, qui sautait dans ses bras et lui becquetait les lèvres en roucoulant de plaisir.
Un jour, il m’a emmené voir sa mère, dans le vieux quartier rital à présent démoli de Nogent. Une vieille dame au regard perçant de paysanne.
Je n’ai jamais quitté Cavanna, et lui il a toujours été là lorsque j’avais des coups durs. Il est pour moi un des plus grands hommes du XXe siècle. Il sait tout, et il a toujours raison, ce qui est parfois agaçant. Sa culture est encyclopédique, tout l’intéresse et il enregistre tout dans une mémoire infaillible.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Val-de-Marne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2002
Bonjour,
Très belle description et histoire d’un homme de valeur par son savoir.
De mémoire j’étais à l’école avec son fils Laurent.