Guillaume Apollinaire à Nîmes

Nîmes

Guillaume Apollinaire entre avenir et souvenir
par Laurence CAMPA
(extrait)

 

Le 6 décembre 1914, le poète Guillaume Apollinaire franchit les grilles du 38e Régiment d’artillerie de campagne de Nîmes. Il s’est engagé l’avant-veille, à Nice, pour la durée de la guerre. Aux yeux de l’administration militaire, il est sujet russe-polonais en attente de naturalisation, s’appelle officiellement Wilhelm de Kostrowitzky et va assurer les fonctions de 2e canonnier-conducteur à la 70e batterie. Il partira pour le front quand il aura terminé ses classes.

Dès le 5 août, Apollinaire avait demandé à s’engager, mais les autorités militaires avaient repoussé sa requête sine die. En attendant qu’on décide de son sort, le poète part le 3 septembre rejoindre un ami à Nice, où il avait passé des saisons de sa jeunesse. Il y retrouve quelques amis parisiens désireux de se soustraire aux aléas de la capitale en guerre. On l’introduit dans la petite société locale qui demande aux plaisirs de la distraire ou de la divertir. Aux beaux jours de la fin septembre, on présente au poète la comtesse Louise de Coligny-Chatillon, jeune femme fantasque et libérée, qui vit chez sa cousine à Saint-Jean-Cap-Ferrat et qui, aux heures perdues que lui laissent l’opium et les aventures, joue les infirmières bénévoles au Ruhl, un palace transformé en hôpital, bondé des blessés des premières hécatombes. Elle séduit immédiatement le poète par sa personnalité affranchie et sa prestigieuse ascendance – elle avait pour ancêtre l’amiral Gaspard de Coligny. Apollinaire se déclare par lettre le lendemain de leur rencontre et entreprend de la conquérir. Celle que ses proches appellent Louise ou Loulou se trouve flattée de la cour du poète et des pièces de vers qu’il lui adresse. Pour lui, elle sera Lou. Curieusement, elle flirte sans fléchir. Fidèle par le cœur sinon par les sens à « Toutou », son amant mobilisé dans les Vosges, elle entend s’éviter une conquête encombrante. Lassé, Apollinaire décide de faire aboutir sa demande d’engagement. Renonçant à la victoire amoureuse, il choisit de se montrer digne de sa comtesse et de faire honneur à son propre nom : le petit-fils d’Apollinaire Kostrowicki, hobereau de Minsk, capitaine d’artillerie blessé à Sébastopol, veut servir sa patrie d’élection et combattre pour la cause qu’il a fait sienne.

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Gard, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2008

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