Nice L’Hospital

Michel de L’Hospital, magistrat, diplomate et poète*

par Frank Lestringant

Avec sa barbe blanche, sa calvitie, sa mine sévère et son manteau bordé d’hermine, le chancelier Michel de L’Hospital (vers 1507-1573) impose le respect et respire l’ennui. Dans les manuels scolaires de jadis où figurait son portrait par un peintre de l’école des Clouet, on lisait que le Garde des Sceaux de Charles IX avait prêché la tolérance au temps des guerres de Religion. La légende veut qu’il soit mort de chagrin à la suite des massacres de la Saint-Barthélemy qui sonnaient le glas de ses efforts en faveur de la paix civile. Michel de L’Hospital tenta d’éponger la dette et de raffermir l’autorité de la couronne, en promulguant une énergique politique de concorde entre protestants et catholiques. Son échec fut patent.

En vérité, Michel de L’Hospital ne fut pas seulement le magistrat austère que l’on se plaît à peindre. Il fut aussi bon vivant et galant poète, s’exprimant avec aisance dans la langue d’Horace et de Catulle. On le considérait généralement au XVIe siècle comme l’un des meilleurs poètes néo-latins de son temps […]. L’Hospital a été désigné pour accompagner à Nice Marguerite de Valois, fille de François Ier et sœur du roi Henri II, qui vient d’épouser le duc Emmanuel-Philibert de Savoie. Aller à Nice depuis Blois, où résident alors le roi et la cour, représente à l’époque toute une expédition. Les étapes se multiplient : d’abord Romorantin, puis Bourges, Vierzon, Mehun-sur-Yèvre, Dun-le-Roi. À Moulins, l’étape est de cinq jours. On y déguste les bons gâteaux de miel du Bourbonnais, sur lesquels on représente des combats de monstres marins. À Roanne, Bogomare, le fou de Marguerite, tombe malade ; Tertulle fait le fol à sa place, affublé d’une peau de renard et dansant le pas du satyre. Cinq jours encore à Lyon, où les ruines romaines de la colline de Fourvière servent de carrière à la ville nouvelle qui s’édifie entre Saône et Rhône. Puis c’est la descente en bateau de la vallée du Rhône, par Vienne, Valence, Orange et Avignon, où l’on se recueille devant le tombeau de Laure, chantée par Pétrarque. Antibes, « illustre colonie des Grecs », est la dernière ville du royaume de France. C’est aussi l’étape ultime avant Nice. Le Var « sépare la Gaule de l’Italie », comme l’écrit L’Hospital, qui reprend une distinction géographique ancienne, ou plus exactement il sépare la France des possessions de la maison de Savoie. Nice, « objet de nos désirs », apparaît enfin, tournée tout entière vers le couchant, exposée aux souffles du zéphyr…

 

Extrait de l’ouvrage : Balade à Nice, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, avril 2012

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