Nesles-la-Vallée
Émile Henriot : la passion de Nesles
par Jacques Habert
(extrait)
Dans Naissances, écrit en 1945, Émile Henriot a raconté comment il avait découvert le petit village d’île-de-France qui devait tenir une si grande place dans sa vie et dans son œuvre. On était en octobre 1899 ; il avait dix ans. Ses parents cherchaient une maison de campagne pour l’été. Un ami leur parla d’un «joli coin pas loin de L’Isle-Adam, un village appelé Nesles, dans la vallée du Sausseron». Dans un cadre de grands bois parés des couleurs de l’automne, ils virent le clocher roman de l’église du xiie siècle, et plus loin, dans les prés bordés de peupliers, la tour carrée de Launay où Jean de Santeuil, au temps de Louis xiv, écrivit ses odes et poèmes. Ils passèrent devant un gros colombier rond du xive, pris dans la cour d’une ferme – jadis un manoir –,puis ils suivirent la rivière. «Au coin d’un petit pont, la route tournait, en montant. à travers une haie, la longeant, nous aperçumes une maison isolée, à demi perdue dans un bosquet d’arbres. Oh ! regarde, dit maman, on dirait la maison du Petit Poucet !» «Achète-la!», s’exclama Émile. Un mois plus tard, c’était fait ; et «à Pâques suivant, le maçon, le peintre et le tapissier ayant passé par là, nous étions chez nous, devenus Neslois».
«Dès les premiers jours de printemps, écrit Émile, mon père s’installait à la campagne. Avec six mois de Nesles devant lui, il avait l’impression que la vie commençait.» Fils unique, un peu gâté, émile obtient de ne pas retourner à Paris l’année de ses treize ans et prend pension tout près chez le brave curé de Livilliers. Il reste à Nesles pour l’année de préparation au baccalauréat et, reçu, attribue son succès aux lieux où il se plaît tant. «La campagne, c’est ma poésie. Là seulement je vis, ou je crois vivre, pleinement ; tout m’est bienfait, conseil, appui.»
Émile Henriot va étudier à Paris, à l’école des Sciences politiques, dont il sera diplômé en 1909. Mais, on le voit chaque dimanche à Nesles sous le marronnier du jardin. Il lit avec passion et découvre les poètes qui l’enchantent, les écrivains et philosophes qui lui apportent l’enseignement des siècles. En 1910, il publie ses premiers vers, les Poèmes à Sylvie, suivis en 1912 de La Flamme et les Cendres. En 1913, son premier grand article concerne celui qu’il reconnaît comme son maître, Maurice Barrès. Parisien, un peu dandy, il se laisse pousser une moustache à la mode du jour. à Nesles, maintenant, on l’appelle «monsieur Émile». Il est grand, distingué ; ma mère me confiera plus tard que beaucoup de jeunes Nesloises le trouvaient fort beau garçon.
Soudain, en 1914, la guerre éclate. Mon père qui a fait son service en Algérie, part parmi les premiers. Émile, de santé fragile, a été réformé ; mais il a le goût de la bravoure et le sens du devoir : il s’engage dans la cavalerie. Mon père reviendra à Nesles en 1917, blessé, infirme pour la vie ; Émile en 1918, malade, «abêti par la fatigue» mais, comme il l’écrit dans Le Carnet d’un dragon, «riche d’avoir tant souffert et de savoir maintenant à quel point vivre est bon». Tous deux sont décorés de la croix de guerre.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Val-d’Oise, sur les pas des écrivains, Alexandrines, avril 1999
J’ai bien connu cette maison dans mon enfance.Ma tante et mon oncle et leurs enfants ont habités la maison du gardien de la propriété,de 1946 jusqu’aux années 56 ou 58.