NANTES
Paul Louis Rossi, né à Nantes un jour de novembre,
par Agnès Marcetteau-Paul
(extrait)
« Un beau jour, [Paul Louis Rossi prit] un de ces tramways jaunes qui sillonnaient la Ville », et découvrit « l’univers du centre ». Il s’attacha alors à en « visiter toutes les impasses, tous les couloirs et recoins ». À en explorer « patiemment les détours, le paysage et les mythologies ». À comprendre l’histoire des quartiers : derniers bastions du royalisme autour de la cathédrale ; représentants des ordres libéraux près du palais de justice, des milieux d’affaires autour de la Bourse et de la place Graslin ; vieux quartiers populaires de Barbin, de Doulon et de Chantenay. « Ayant été introduit, presque par hasard dans cette société des villes qui détient les livres, et qui parfois les a écrits, [il entra] dans les greniers et les temples du savoir. »
Se regardant marcher, croisant, copiant et recopiant en une répétition infinie sa propre géographie sentimentale et « ce qui se cache d’innocent et de terrible sous la couche des rêves et des délires poursuivis dans des villes aux anciens passés », Paul Louis Rossi fait de Nantes un espace littéraire, comme Dublin le fut pour Joyce, Trieste pour Svevo, Prague pour Kafka. Ailleurs familier avec lequel il est loisible aussi bien que requis d’entretenir un rapport ambigu, matière d’écrits dont la Ville est le lieu et le théâtre. Cette exploration hasardeuse se déroule en une narration discontinue : « froideur religieuse et militaire des architectures », « fleur délicate du tulipier de Virginie », « branche jaune odorante du laurier de Chine », « fruit gris bleu comme un artichaut – quasi synthétique – du magnolier ferrugineux ». Ses pas croisent ceux dont les noms sont passés à la postérité : Gilles de Rais et le marquis de Pontcallec, Pierre de Bérulle, Fouché et Carrier, Jules Verne et Raymond Roussel, Jules Grandjouan et Isadora Duncan, André Breton et Jacques Vaché, Julien Gracq, Jacques Demy tournant Lola, Lambert Doomer et William Turner qui, peintres et voyageurs, représentèrent Nantes au xviie et au xixe siècle. Au musée des Beaux-Arts, « il marche sur le parquet ciré et craquant » pour s’arrêter devant les tableaux de Georges de La Tour et de Pierre Roy à qui l’on doit, « dans une maison du 21 quai de la Fosse, avec tout au fond de l’immeuble, par une porte ouverte, cette image du port et du fleuve, avec des bateaux et des fumées ».
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Loire-Atlantique, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2009