PLOUGASNOU, BAIE DE MORLAIX
Fenêtre avec vue
Michel Le Bris,
par Yvon Le Men
(extrait)
« Et je n’ai jamais fait, de voyage en voyage, que tenter de m’alléger, de me dépouiller de tout ce qui nous englue d’ordinaire, nous bouche le paysage, pour retrouver, prolonger les échos de ces moments d’éternité, quand le monde était jeune, merveilleusement, miraculeusement jeune. »
Michel Le Bris
Pour évoquer Michel, je commencerai par une fenêtre, une minuscule fenêtre. Elle donne sur un immense paysage. Je commencerai par un petit enfant. Il donne sur un grand rêve, né d’un immense paysage.
En 1944, l’année de sa naissance à Saint-Samson, dans la baie de Morlaix, la deuxième guerre mondiale s’achevait. Quinze années plus tard une Bretagne, aussi, allait s’achever, disparaître, parfois par la violence, dans celle du formica, des tracteurs et des touristes, ces gens qui se jetaient exprès dans l’eau, comme il le dit, dans L’homme aux semelles de vent.
La première fois que j’entendis son nom résonner à mes oreilles, j’avais seize ans et nous étions en 1969, dans la queue de comète de mai 1968 où il naquit une seconde fois. Libérez Le Bris et libérez-moi du même coup de ce bahut où j’étais si malheureux. D’accord pour libérer Le Bris ! D’accord pour libérer la liberté ! C’était le temps où la politique flirtait avec l’air du temps, du temps qu’il fait, comme l’avait écrit Armand Robin ; où les gens s’avançaient les uns vers les autres en titubant dans cet air qui prenait dans les cheveux et les âmes. Libérez Le Bris !
Pour l’anecdote ce slogan, qui fut peint sur de nombreux murs en France, coûta à Michel, malgré un diplôme d’H.E.C, une carrière que, de toute façon, il n’aurait pas suivie, lorsqu’un éventuel futur patron penché à la fenêtre de son bureau tomba pile sur cette phrase rouge sur fond blanc.
– « C’est vous, ce Le Bris ? »
– « Eh bien… Oui. »
Et je vois bien Michel glisser sur les trois petits points de sa réponse avec sa voix si douce qui contraste tant avec son énergie.