MONTFORT-L’AMAURY
L’académie de Montfort-L’Amaury
par Georges POISSON
(extrait)
L’histoire de cette petite ville d’Ile-de-France, rythmée par ses travaux et ses jours, compte aussi nombre d’habitants ou de visiteurs célèbres, depuis le peu recommandable Simon de Montfort jusqu’à Jean Monnet, précurseur de l’Europe. On y trouve entre autres la duchesse Anne de Bretagne, le roi Louis XIII, des hommes de théâtre, des musiciens — Ravel, bien sûr —, les acteurs d’un grand film, Le Corbeau, et même Brigitte Bardot.
Mais ce sont les écrivains qui font nombre, tressant autour des collines montfortoises une guirlande qui, après trois siècles, n’est pas près de se rompre.
Le premier de ces écrivains, sans doute le plus connu, est Victor Hugo. On le voit pour la première fois chez un autre poète, Saint-Valry, puis de nouveau en 1825, et c’est en remerciement de l’hospitalité reçue qu’il rima l’Ode aux ruines de Montfort-l’Amaury :
Et la ville à mes pieds, d’arbres enveloppée
Étend ses bras en croix et s’allonge en épée,
Comme le fer d’un preux dans la plaine oublié.
Suit une lignée de poètes, ouverte par l’auteur des Trophées, José-Maria de Heredia, qui, fatigué de la vie parisienne, l’âge venant, achète la belle maison du 1, rue de la Moutière. Il y reçoit ses filles qui toutes trois avaient épousé des écrivains, Pierre Louÿs, Maurice Maindron et Henri de Régnier. Heredia aime se promener dans la forêt de Rambouillet, et Henri de Régnier évoque dans ses Souvenirs la mémoire de son beau-père à Montfort : « Le poète a vieilli, ses cheveux et sa barbe sont presque blancs. La maladie l’a touché, il est souvent silencieux et absorbé, il se chauffe et fume, parfois il prend sur la table un petit livre, Les Trophées, en lit quelques pages, se repose, et songe. Après avoir parlé de sa jeunesse, il se retire et va dormir car demain il sera levé le premier. La forêt de Rambouillet est à deux pas des dernières maisons de Montfort et c’est elle qui attire le poète matinal. Il s’enfonce sous ses ombrages d’automne. Il sait où sont les plus beaux feuillages jaunissants et où croissent les plus beaux arbres, il connaît toutes les routes, tous les détours, le chemin des étangs, les sentes qui se perdent sous bois. Il connaît aussi la plaine et les villages et revient de ses courses comme égayé et rajeuni. »
C’est dans la chapelle du château de Bourdonné de ses bons amis les Itasse, où il aimait travailler, qu’Heredia mourut en 1905.
Mais la romancière immortelle de Montfort et du village voisin de Méré est Colette qui, obligée de quitter son premier appartement du Palais-Royal, en éprouvait grand regret. Pour la consoler, son amant, Maurice Goudeket, acheta en janvier 1930, à la limite de Montfort et de Méré, la Gerbière, qui satisfaisait, écrira celui devenu plus tard son mari, « le goût de Colette pour les horizons resserrés, les domaines étouffés, les logis à la mesure moyenne des hommes et aussi son besoin de larges espaces aérés. » Elle se mit aussitôt à pendre aux branches du jardin des nichoirs à oiseaux et à faire des boutures avec le jardinier, tout en annonçant à Marguerite Moreno : « J’ai pondu quarante et une pages. » « Elle ne ressemblait, écrit-elle de sa nouvelle maison, à aucune de ces légères bâtisses qu’une forêt domaniale suscite à son entour, qui vieillissent vite… »
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Yvelines, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.