MARSEILLE
Les sources marseillaises d’Edmond Rostand
par Pierre Echinard*
« Et je vais m’envoler dans la lune opaline… »
Ainsi commençait, le 3 décembre 1918, par ce vers lumineux de Cyrano de Bergerac, l’article du Petit Marseillais sur la mort d’Edmond Rostand. Âgé de cinquante ans à peine, venait de disparaître celui qui avait osé remettre en scène au théâtre la vaillance, la passion et l’émotion romantique. Parti conquérir à dix-sept ans la capitale, elle l’avait consacré, mais lui ne l’avait jamais aimée. Retiré depuis plus de quinze ans dans la semi-solitude de Cambo, au pays basque, abri de sa neurasthénie et de sa santé fragile, il n’était revenu à Paris que pour y saluer la Victoire. C’est là que la mort le prit. Marseille, sa ville natale, allait bientôt recueillir sa dépouille.
Né le premier avril 1868 dans une maison cossue au numéro 14 de la rue Montaux qui porte aujourd’hui son nom, tout allait être facile pour ce fils de grande famille, avec un maire de Marseille pour arrière-grand-père, une série de grands-oncles à la tête de quelques-unes des plus puissantes affaires de la cité, un oncle musicien et banquier, un père aux multiples talents, avocat, patron de presse, philanthrope… et poète, qui pressentit la carrière d’Edmond dès les premiers balbutiements de sa petite enfance :
« Il me faut autour de la page
Où j’écris, son rire joyeux,
Son pas léger, son gai tapage,
Le rayonnement de ses yeux.
Comme un oiseau bavard il jase,
Et ce sont des gazouillements,
D’invraisemblables tours de phrases,
Des parlers, des chuchotements.
Des mots qu’il façonne à sa guise
Des diminutifs inédits,
Une petite langue exquise
Un vrai jargon du Paradis… »
Élève au lycée de Marseille, de la 6e à la 2de, Edmond Rostand va essentiellement briller dans les matières littéraires. Son père Eugène, qui supervise ses versions et ses thèmes latins, le juge « studieux, sans exactitude et sans zèle », mais, doué d’une énorme mémoire, Edmond décroche malgré tout d’excellentes notes…
Extrait de l’ouvrage : Balade en Provence, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2012