MARSEILLE
Albert Cohen, une enfance marseillaise
par Joëlle Gardes Tamine
Albert Coen (c’est ainsi que s’écrit alors son nom) est né en 1895 à Corfou. Même si l’île est devenue grecque, Albert est de nationalité ottomane, de même que son grand-père et son père Marco, jusqu’à sa naturalisation comme citoyen suisse sous le nom de Cohen en 1919. Sa mère Louise, elle, est juive d’origine italienne.
La savonnerie familiale est tenue par le grand-père Abraham, dont le vieil écrivain se souvient avec émotion dans ses Carnets 1978 : « un vieillard de haute taille, sage et puissant, que j’ai aimé et respecté » ; Au tournant du siècle, la situation devient difficile pour les Juifs, et à cette tension, s’ajoutent des problèmes économiques. La fabrique ne suffit plus à faire vivre les nombreux Coen, si bien que Marco doit se décider au départ.
Marco, Louise, et le petit Albert débarquent donc en 1900 à Marseille, ville prospère qui attire voyageurs et négociants, où plusieurs membres de la famille sont déjà installés. Le père d’Albert réussit d’ailleurs assez bien dans son commerce d’œufs en gros. Le travail était cependant pénible : il fallait trier les œufs selon le calibre et l’âge, qu’on vérifiait en les mirant devant une bougie. Dans un rêve qu’il raconte dans Carnets, l’écrivain évoque « la femme du kiosque à journaux devant l’hôtel Noailles » qui « se remettait à mirer en hâte des œufs devant une lampe à pétrole allumée en plein jour ». Les œufs étaient ensuite placés dans des caisses qu’il fallait enfin transporter et expédier et la mère tant aimée d’Albert s’épuisait à la tâche, entre le magasin au 18 de la rue des Minimes, l’actuelle rue des Trois-Frères-Barthélemy, et l’appartement au 20…
Extrait de l’ouvrage : Balade en Provence, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2012