MARSAN
Robert de Montesquiou, une ode au superlatif
par Aymeri de Montesquiou
(extrait)
Robert de Montesquiou est un personnage étonnant. Il est, dans notre famille ancienne et quelque peu atypique, le plus excentrique de ses représentants. Esthète, dandy, mondain, davantage renommé pour son insolente cruauté et sa déconcertante vanité que pour son œuvre poétique et son influence sur la mode, il est inclassable.
Issu de la branche Montesquiou d’Artagnan et propriétaire du château d’Artagnan en Bigorre, dans lequel il fera de nombreux séjours et rédigera ses Mémoires, le comte Robert est très attaché à la grandeur de sa famille paternelle, qui inspire son œuvre. Arrière petit-fils d’Anne-Pierre, Grand Chambellan de l’Empereur et de Maman Quiou, gouvernante du Roi de Rome, petit-fils d’Anatole, aide de camp de Napoléon, poète et académicien, Robert tient intensément à son ascendance. « D’Artagnan […] dicta souvent la conduite de son lointain neveu Robert et prêta à cet Aramis fin de Siècle son panache et son épée. » Son biographe Philippe Jullian a trouvé ici une juste et belle expression. Mondain parisien par essence, Robert n’est toutefois pas dépourvu de l’esprit mousquetaire hérité de notre Gascogne. Mais les références à ses aïeux qu’il se plaît à citer jusqu’à Mérovée pouvaient agacer. Ainsi, Anatole France ne voulait plus lui rendre visite au motif qu’il « l’ennuyait à toujours parler de ses ancêtres ».
Malgré ses nombreux vers célébrant la famille, Robert de Montesquiou fut peu attaché à sa parentèle. Il disait que la famille de sa mère, bourgeoise et fortunée, était suisse ; à un ami lui présentant ses condoléances pour la mort de sa grand-mère dépourvue de quartiers de noblesse, il aurait répondu qu’elle était très éloignée et pour les fiançailles d’une cousine laide, il avait envoyé Yturri choisir les fleurs les plus hideuses… Il vendra Artagnan et léguera la plupart de ses biens à son secrétaire Pinard « pour agacer les Montesquiou ».
Cruel et vaniteux, insolent et capricieux, prompt à la dispute et réfractaire à la réconciliation, ce « Prince 1900 » doit essentiellement sa renommée aux personnages romanesques qu’il a inspirés à ses contemporains : le célébrissime baron de Charlus de Proust, M. des Esseintes d’Huymans, le paon de Chantecler de Rostand, et peut-être même un peu du Dorian Gray de Wilde…
Singulier personnage que ce jeune homme élevé chez les Jésuites, où il demandait à ses camarades de ne pas le tutoyer, que cet homme à qui son ami Yturri dit un jour que, s’il le voulait, tout le monde pourrait l’aimer, répondit « Ne me faites pas peur ! », qui, se sachant ridicule, persistait dans cette voie par une brave insolence et n’hésitait pas à se battre en duel quand son honneur l’exigeait.
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011