ILLIERS-COMBRAY
De la lecture de François le Champi à l’écriture de « Combray »
par Mireille Naturel
Au commencement était Illiers, une petite ville de trois mille habitants aux confins de la Beauce et du Perche.
C’est au cœur de l’Eure-et-Loir que se trouve le village qui a donné naissance au Combray d’À la recherche du temps perdu. L’identification est telle qu’en 1971, année du centenaire de l’écrivain, le village a été très officiellement appelé « Illiers-Combray ». Cas unique en France.
« Combray » est-il vraiment Illiers ? Certains vous diront que non, avançant comme principal argument les propres déclarations de l’écrivain, énoncées dans une lettre-dédicace à Jacques de Lacretelle, le 20 avril 1918. Les modèles sont toujours multiples, déclare-t-il, que ce soit ceux de l’église de Combray, de la sonate de Vinteuil ou des monocles de la soirée Saint-Euverte. Combray pourrait bien être autant Auteuil qu’Illiers. La famille de l’illustre professeur de médecine Adrien Proust a longuement séjourné chez l’oncle Louis Weil, à Auteuil. C’est d’ailleurs là que Marcel est né en 1871 et l’écrivain décrit la maison dans sa Préface aux Propos de peintre. De David à Degas, de Jacques-Émile Blanche. Mais se promener à Illiers, c’est retrouver l’église et ses vitraux, si longuement décrite dans « Combray ». C’est retrouver ce clocher qui suscite une admiration sans borne de la part de la grand-mère, parce qu’elle lui trouve l’air naturel et distingué, comble du raffinement selon elle. Longuement décrit avec sa figure inoubliable, son petit coq de fer, sa fine pointe, mince et rose, il se transforme au fur et à mesure qu’on s’en approche pour revêtir la couleur rougeâtre que Proust attribuera ensuite à la couverture de François le Champi . À l’heure du déjeuner, le clocher se fait brioche, en parfaite harmonie avec celle du boulanger, « avec des écailles et des égouttements gommeux de soleil ». C’est aussi retrouver les deux côtés, celui de chez Swann, où fleurissent les aubépines, celui de Guermantes où triomphent les nymphéas. Tout un village renaît grâce à la mémoire involontaire, délivrée par la saveur de la Petite Madeleine…
Extrait de l’ouvrage : Balade en région Centre, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2013.