QUIMPER
Marc Le Gros sur le chemin de halage
par Gilles Plazy
« Toute la saveur calculée du monde ». Qu’un héron marque le pas sur le bord de l’Odet, dans la dignité, l’élégance un peu hautaine qui le distingue des autres oiseaux venant ici en quête de nourriture ou (qui sait ?) d’un plaisir du paysage et c’est tout un pan d’esprit qui s’ouvre en l’homme qui, à l’enseigne des Glycines, est ici à l’écriture. Lui qui prêtait sa maison, l’été, au confrère néanmoins ami Roger Judrin a reçu de lui ce nouveau nom pour sa résidence : « Laos-sur-Odet ». Se jouant de ce grand écart géographique, Marc Le Gros, a filé la métaphore en esquissant un portrait du héron en sage taoïste, à la fois « magistral » et « galopin furtif » en cette contradiction essentielle sans laquelle un affidé du Tao n’est qu’un imposteur, maître prétentieux ou futile plaisantin.
Quimpéroise depuis trente-cinq ans, cette sentinelle du chemin de halage (l’écrivain, pas le héron) n’a quitté sa ville d’adoption quelques années que pour porter au Laos la bonne parole de la littérature française, sinon au bord de l’Odet tentant d’ouvrir quelques oreilles plus ou moins attentives aux inquiétantes délices du surréalisme et autres aventures poétiques. Au moment où je viens le voir, en un lendemain de Samain, la fête celte en laquelle s’ouvre un passage entre le monde apparent et le monde souterrain (eh oui ! l’halloween citrouillé du supermarché…) Marc le Gros revient du Laos qu’il est allé revoir trois décennies après l’avoir quitté. Les Bretons depuis longtemps furent voyageurs par attrait d’océan ou ventre creux, mais si Marc fait sa valise plus que de raison ce n’est ni pour affronter les Rugissants ni pour tenter sa chance en quelque pays lointain ; c’est qu’il a des fourmis dans la tête et les jambes, qu’il est curieux d’autres paysages, ouvert à d’autres cultures, soucieux d’autres rencontres, affamé de réel.
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Extrait de La Bretagne sud des écrivains, Alexandrines, 2014.