MACHECOUL
La folle équipée d’un cardinal rebelle,
par Simone Bertière
(extrait)
Impossible de parcourir le pays de Retz – une région de bocages et de marais au sud-ouest de Nantes, entre l’extrême estuaire de la Loire et la baie de Bourgneuf – sans avoir une pensée pour le cardinal qui en porta le nom et qui exorcisa sa défaite politique en la racontant dans d’admirables Mémoires. Ne comptez pas sur lui cependant pour vous en vanter les charmes. Il n’en a gardé que de mauvais souvenirs – un projet de mariage qui avorta, une évasion qui ne fut qu’à demi réussie. Mais le récit qu’il en a fait est si brillant qu’il donne envie de voir les lieux qui leur servirent de cadre. Si vous visitez le château de Nantes, on vous montrera, au second étage, la terrasse d’où il se lança dans le vide. Et si vous consentez à pousser quelques pointes dans les départements limitrophes, vous pourrez le suivre à la trace jusqu’à Belle-Île, d’où il s’embarqua, bien décidé à n’y pas revenir.
Non, notre mémorialiste n’a rien à voir par le sang avec le tristement célèbre Gilles de Rais. Jean-François-Paul de Gondi appartenait à une famille florentine implantée en France depuis le début du xvie siècle. Couvert de biens et d’honneurs par Catherine de Médicis, son grand-père, le maréchal Albert de Gondi épousa la veuve du baron de Retz, qui lui apporta les biens de son défunt mari, auxquels il adjoignit Belle-Île. Hélas, notre Jean-François-Paul, dernier-né d’un fils cadet du maréchal, se trouvait exclu de l’héritage et voué à l’Église, comme deux de ses oncles. Dès 1622, aux alentours de ses dix ans, il fut fait abbé de Buzay et de Quimperlé.
Le jeune garçon n’avait pas la vocation, il ne rêvait que plaies et bosses et ne pouvait « se passer de galanterie » – comprenez qu’il avait du tempérament. Il fit l’impossible pour se soustraire à la carrière imposée. En 1633, il crut entrevoir une issue. Le duc de Retz n’avait que deux filles. Il accepta, pour préserver le nom, de marier l’aînée avec son cousin Pierre. Pourquoi le cadet n’épouserait-il pas la cadette ? « N’espérant pas que l’on y pensât pour moi, je pris le parti de me pourvoir moi-même. Je la trouvai très belle, le teint du plus grand éclat du monde, des lis et des roses en abondance, les yeux admirables, la bouche très belle, du défaut à la taille, mais peu remarquable et qui était beaucoup couvert par la vue de quatre-vingt mille livre de rente, par l’espérance du duché de Beaupréau et par mille chimères que je formais sur ces fondements, qui étaient réels. »
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Loire-Atlantique, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2009