Zola et Huysmans à Lourdes

Lourdes, vu par Zola et Huysmans : lectures croisées

par Mireille Dottin-Orsini.
(extrait)

Passé brièvement à Lourdes fin 1891, Emile Zola, en pleine gloire, mais las des Rougon-Macquart qu’il doit achever, entrevoit dans la cité mariale « un admirable sujet » pour ses romans futurs. Sa vie privée a connu en 1888 un tournant décisif. Il mène à présent un double ménage, et la jeune lingère qui lui donnera deux enfants l’ouvre aux joies de la paternité ; il se sent rajeunir, s’attendrit, et pour lui désormais la femme « n’est grande que fécondée, perpétuant la vie ». Ayant terminé Le Docteur Pascal, Zola revient à Lourdes pour se documenter, plus longuement encore qu’il ne l’avait fait pour La Bête humaine ou La Terre. Les journalistes font courir le bruit d’une conversion. Il n’en est rien, bien sûr, et l’Eglise met Lourdes à l’index dès sa parution.

Lourdes est la première étape d’une trilogie de Villes, qui continue par Rome (1896) et finit par Paris (1898). Zola y développe un vaste panorama du sentiment religieux contemporain et de l’épuisement du catholicisme. Lourdes est le moment d’un retour improbable à la ferveur chrétienne du Moyen-Âge, Rome celui de la crise des pouvoirs religieux, Paris annonce enfin la « nouvelle religion » de l’avenir, celle de la science et de la raison triomphantes.

Avec Lourdes, il revient aussi à ce qui ressemble fort au roman populaire : intrigues parallèles, nombreux personnages, histoires d’amour, suspense, mélodrame, scènes spectaculaires et attendues : ce sont un peu Les Mystères de Lourdes. Le roman a pour fil conducteur celui que Zola a choisi, non sans hésitations, pour le représenter et faire passer sa thèse : un jeune prêtre, Pierre, entré dans les ordres parce qu’il ne peut épouser son amour d’enfance, la blonde Marie, clouée au lit à treize ans par une paralysie incurable. Pierre a perdu la foi et ne croit plus qu’à la science. A la suite d’un pèlerinage à Lourdes, Marie est soudainement guérie. Pierre comprend que la maladie de Marie était d’origine hystérique, qu’elle a cédé face à la suggestion lancinante des invocations des prêtres : Zola avait lu l’article de Charcot sur « La foi qui guérit ».

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011

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