La Loire, ce grand livre collectif…
par Jacques Boislève
(extrait)
Loire angevine, Loire nantaise : tout en haut de l’estuaire, l’une et l’autre font un bout de chemin ensemble avant de nettement se différencier, la première s’achevant, un peu plus en aval, devant Ancenis, à Liré, la petite patrie du poète Joachim Du Bellay ; la seconde commençant – un peu plus en amont ! – sitôt passé Ingrandes où la marquise de Sévigné, descendue par le fleuve, écrit à sa fille qu’elle arrive en Bretagne.
D’emblée, une distinction s’impose : entre les écrivains riverains et les écrivains voyageurs qui n’ont pas du tout du fleuve la même perception. Les écrivains riverains (Julien Gracq, Hervé Bazin, Lucien Bodard, Pascal Quignard) ont de « leur » Loire une connaissance intime et nourrissent pour elle une véritable tendresse (« l’odeur jaune du peuplier » chez Gracq). Le regard des écrivains voyageurs, qui ont vu ailleurs des fleuves autrement plus romantiques, est beaucoup plus critique : « Les fameux bords de Loire sont plats et nuls, à cela près d’Oudon, d’Ancenis, de Saint-Florent, et de quelques rochers çà et là… », note péremptoirement Hugo.
Stendhal (Mémoires d’un touriste), Flaubert (Par les champs et par les grèves), Dumas, Hugo déjà cité et de mère nantaise, Balzac le Tourangeau ont découvert la Loire ou son estuaire du pont du bateau à vapeur, avec la vision littéralement panoramique ainsi offerte sur le fleuve et ses rives. Puis, changement complet de perspective et d’époque : la Loire est aperçue désormais de façon beaucoup plus cadrée et fugace par la fenêtre du train (George Sand, dans sa correspondance, Paul Nizan, dans Antoine Bloyé). Lequel train offrit longtemps, avant les comblements du fleuve et l’enterrement de la ligne de chemin de fer, une vue imprenable sur Nantes, son château, son port de la Fosse et son pont transbordeur.
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