LOGES-EN-JOSAS, VERSAILLES Orsenna

DES LOGES-EN-JOSAS À VERSAILLES

Érik Orsenna, l’ami des castors
Propos recueillis par Marie-Noëlle CRAISSATI
(extrait)

 

Je suis un adolescent des Yvelines. J’ai quitté Paris à 15 ans, troquant sans regret la grande ville contre le petit village des Loges-en-Josas. Pour le jeune Parisien que j’étais, qui ne connaissait d’alternative à la ville que le bord de mer, ce fut la rencontre d’une troisième dimension : la campagne, la vraie, avec des animaux, des chevaux, des vaches… avec des parties de luge en hiver qui auraient fait rêver n’importe quel citadin, avec des virées en Solex ou en Mobylette que redoutaient nos parents…

J’ai découvert aussi Versailles. Un vrai coup de foudre, comme si j’avais toujours eu rendez-vous avec cette ville. Un coup de foudre que ma passion pour l’histoire et la géographie n’a cessé d’entretenir. Pour moi, Versailles symbolise l’harmonie, l’unité. La certitude qu’une grande partie de nous-même vient de Versailles. La France a été inventée dans quelques endroits privilégiés, dont Versailles. Lorsque j’ai servi l’État, mes fonctions m’ont souvent amené à Versailles. A chaque fois, j’y éprouvais comme incarnée, avec le Grand Canal pour témoin, la continuité entre la Monarchie et la République.

J’ai découvert enfin Port-Royal, le lieu de la grammaire et du savoir, le lieu du savoir aussi comme contestation de la politique.

Oui, tous ces endroits, sources d’équilibre et d’inspiration, sont un peu les bases de ma vie et de mon travail d’écrivain.

Je n’ai pas écrit un seul livre sans une référence aux Yvelines. Une bonne partie de L’Exposition coloniale1 a été écrite aux Loges, même si un tel roman implique beaucoup d’enquêtes et de voyages. Quand j’habitais Les Loges, j’écrivais le matin avant de partir travailler à Paris et je rentrais tard le soir dans ma famille. J’ai vu ainsi petit à petit la folie de la concentration urbaine s’accroître autour de la capitale. Je m’inquiète de l’incapacité française à créer des métropoles harmonieuses ailleurs qu’autour de Paris. Inutile de vous dire que j’ai grand-peur des aménagements routiers de la vallée de la Bièvre. Je n’ai jamais vraiment quitté cette chère vallée et des convergences étonnantes me l’ont toujours rappelée : quand j’étais le collaborateur de François Mitterrand, il habitait rue de Bièvre à Paris ; j’habite à présent la Butte-aux-Cailles qui surplombe le lit de la Bièvre désormais enterrée. Et si j’ajoute que la vallée de la Bièvre, c’est la vallée des Castors, car Bièvre vient de la même racine que beaver, «castor», elle m’attache pour toujours !

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Yvelines, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *