LIMOGES
Alain Corbin ou la recherche historique renouvelée,
par Philippe Grandcoing
(extrait)
Pour qui s’intéresse à l’histoire, aime ou apprécie le Limousin, le nom d’Alain Corbin est forcément évocateur. Il fut un temps, pas très lointain, où la recherche historique était peu développée, où l’Université – qui n’avait pas encore connu sa crise de croissance soixante-huitarde – « produisait » quelques dizaines de docteurs en sciences humaines chaque année. C’était l’époque où un jeune chercheur savait qu’il s’engageait pour dix, quinze ou vingt ans sur un sujet qu’il n’avait pas nécessairement choisi. C’était encore le temps du mandarinat… Il n’y avait pas encore de faculté des lettres à Limoges, et le sommet d’une carrière d’enseignant était un poste au lycée Gay-Lussac, lycée de garçons, bien évidemment. C’est là que débuta en 1959 un jeune agrégé d’histoire, obligé par les hasards des nominations de quitter sa Normandie natale.
Des dix années de ce séjour limousin, interrompu par vingt-sept mois de service militaire en Algérie, il reste un monument de papier, une « thèse d’ancien régime », dans le jargon universitaire, soutenue en mai 1973. Pour ceux connaissant l’œuvre ultérieure d’Alain Corbin, ce premier travail peut surprendre, voire décevoir. On connaît le chercheur attentif à l’évolution de la perception des choses, aux mutations des comportements et des sensibilités, celui qui a fait rentrer dans le champ historique la prostitution, le rivage, les odeurs, le désir, le corps, les sons, le paysage… Et l’on découvre avec Archaïsme et Modernité deux gros volumes de près de 1 200 pages étudiant les structures sociales du Limousin dans les années 1840-1880, analysant les fluctuations économiques et, in fine, explorant les cheminements d’une tradition politique de gauche.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009