Armand Salacrou au Havre

Le Havre

Sur les bords de scènes,
par Thierry Rodange
(extrait)

« J’ai appris à lire et à écrire dans la vieille école primaire de la Caserne des Douanes. Et c’est dans une vieille maison du Havre, devant la mer, que, quatre-vingts ans plus tard, j’apprends à cesser d’écrire. J’étais plein d’espoir, je suis rempli de souvenirs : l’espace d’une vie. »

Lorsque Gabrielle et Camille Salacrou tout auréolé de son diplôme d’herboriste quittent Darnétal pour venir habiter au Havre, le petit Armand, né un peu moins de sept mois après leur mariage, n’est âgé que de deux ans. La famille s’installe, non loin de la prison, au 82, rue Casimir-Delavigne où Camille tient une droguerie-herboristerie juste en face de la Caserne des Douanes.

L’année 1910 est très importante pour la famille Salacrou. En tout premier lieu parce qu’ils déménagent, quelques maisons plus loin, toujours rue Casimir-Delavigne où, des fenêtres de l’étage, on aperçoit la prison. Dans la grande salle à manger, Armand voit souvent se réunir les amis de son père Camille, qui est entré au conseil municipal sous l’étiquette radical-socialiste. Et depuis peu, aux instituteurs laïcs et aux ouvriers socialistes, se joint un tout jeune avocat, René Coty, qui vient d’être commis d’office pour défendre un syndicaliste injustement incarcéré, Jules Durand. Armand est très intéressé par toute cette affaire et prend alors conscience de l’injustice de la société. « Et ce Durand, qui pour tous les amis de mon père, témoignait-il, était innocent, on l’avait emprisonné. Alors, avec mes yeux de gosse de dix ans, quand je regardais maintenant la prison, je ne voyais plus la prison d’autrefois, c’était une prison nouvelle où il n’y avait pas seulement des bandits et de féroces voleurs, mais aussi des innocents. J’en étais bouleversé et je m’étais juré, le jour où je commençais à écrire, que je raconterais cette histoire. » Toujours, ce souvenir de Durand hantera son esprit jusqu’à ce que…

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade en Seine-Maritime, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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