LE HAVRE
Fragments
d’abécédaire havrais,
par Benoît Duteurtre
(extrait)
A comme Alphonse Allais, humoriste né à Honfleur. À la fin du xixe siècle, il prenait souvent le bateau qui traversait l’estuaire et venait passer la journée au Havre où il retrouvait son ami, l’écrivain et peintre Albert René. Lycéen, je dévorais ses recueils d’inventions loufoques, chères aux surréalistes. Dans ses chroniques, j’aimais retrouver la Normandie (où je vivais) et Paris (où je rêvais de partir bientôt).
B comme Bibliothèque municipale. J’y ai découvert les grands compositeurs du xxe siècle, la peinture, le roman, la poésie modernes (le goût de ma famille était plutôt classique). Je rentrais à la maison chargé de livres et de disques. Je m’arrêtais pour retrouver des amis dans des cafés enfumés de la rue Thiers. Des mondes s’ouvraient à moi.
C comme Coty, René, mon arrière-grand-père. Cela comptait encore au Havre, quand j’étais petit : la famille du président. Dans le quotidien, cela ne changeait pas grand-chose. J’ai vécu une enfance assez normale des années soixante, une adolescence de ma génération, cheveux longs baba-cool puis cheveux courts punk.
D comme Dimanches à la campagne. On partait en famille, avec d’autres familles, pour des pique-niques dans le pays de Caux. Les départementales étaient étroites et encaissées. On déjeunait dans des prés sous les ormes, on faisait des jeux de piste en longeant les talus plantés. Je préférais encore, au retour, le feu grandiose des raffineries de la CFR.
F comme Fécamp. J’y passe régulièrement – par le train – pour aller écrire à Saint-Pierre-en-Port. Les navettes se font plus rares sur cette ligne à une seule voie ; mais Fécamp a conservé une allure provinciale et populaire, pas vraiment touristique. Les galets et les intempéries nous protègent… Je trouve bien que la Seine-Maritime reste « le moins touristique des départements de la côte française ».
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Seine-Maritime, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007