LA SEYNE-SUR-MER
Pierre Caminade ou « la vérité heureuse des voix »
par Martine Sagaert
(extrait)
Nous sommes à Marseille en mai 1775. La frégate La Sartine, les cales gorgées de marchandises à destination de Constantinople, doit quitter le port. Mais la tempête fait rage. Vue sa taille, le navire ne peut franchir la passe, il se met en travers, il est terrassé. La Sartine bouche le port. Tous les habitants de la cité phocéenne s’esclaffent : « La sardine bouche le port de Marseille ». Mais bien vite personne ne rit plus. La voix du peuple s’enfle. Faù ana cerca Molinàri a La Cieuta. Il faut aller chercher Molinari à La Ciotat. Sitôt dit, sitôt fait. Molinari, le charpentier de marine, récupère les «bouffigues» (les vessies, en provençal) de 5000 porcs qu’il fait placer dans le navire naufragé et demande aux 5000 Marseillais venus avec 5000 cannes (5000 roseaux) de souffler en cadence pour faire gonfler les vessies de porcs ! Et par la volonté du peuple, La Sartine tressaille, ses mâts se redressent.
Toute vive encore aujourd’hui à la Seyne-sur-mer, cette anecdote ne pouvait déplaire à l’écrivain Pierre Caminade (1911 – 1998), le poète Montpelliérain, qui choisit en 1954 de s’y installer avec sa femme Madeleine. Ville balnéaire aujourd’hui, La Seyne qu’habitait Caminade était celle des chantiers navals. Et ce Varois d’adoption, qui connut le temps où La Société nouvelle des Forges et Chantiers de la Méditerranée était encore activité, eut à cœur de raconter son histoire. Il se plongea dans les Archives et travailla sur la période 1872-1920. Et, en 1956, en trente-deux articles publiés dans le quotidien Le Petit Varois, il fit revivre le temps où les chantiers Seynois étaient les plus importants de France par leur superficie et la longueur des quais (près d’un kilomètre). Il dit « l’habileté machiavélique » de certains patrons, la « surexploitation », les luttes et les grèves.
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains(c) Alexandrines, février 2010.