ÎLE DE SEIN
Jean-Pierre Abraham,
« homme jamais fini, toujours à refaire »
par Alain-Gabriel Monot
Né à Nantes en 1936, Jean-Pierre Abraham publie dès l’âge de vingt ans un premier ouvrage, Le Vent, aux éditions du Seuil. Ce court récit contient en germe l’ensemble précieux et modeste à la fois de son « art à venir ». Celui-ci se nomme concision, économie scrupuleuse des moyens, souci constant de la respiration juste et fluide des mots. Et attention scrupuleuse et fervente portée aux paysages de terre « Je vais seulement me promener dans la campagne et tout peut arriver » et de mer « où les pensées inutiles, durement secouées, finiront par tomber, par disparaître, avec les oiseaux ».
Etudiant en rupture de Faculté, il est encouragé à écrire par Jean Cayrol et louangé sous la plume de Claude Mauriac qui voit en lui « l’inventeur peut-être d’un genre nouveau. »
Il devient au début des années 1960 gardien de phare au large de l’Ile de Sein, expérience fondatrice qui lui inspire la rédaction de son livre le plus connu, Armen, publié en 1967. « J’ai pris le vieux journal de Martin et j’ai lu de la première à la dernière ligne. Je me suis taillé minutieusement les ongles. Une fois de plus j’ai compté les marches, cent dix-huit ; compté les tours de manivelle qu’il faut donner pour remonter le poids, cent à l’heure environ. J’ai dû passer de longues minutes à me regarder dans l’étroit miroir de la cuisine, à prendre des poses et à faire des grimaces. Qu’est-ce que je fabrique ici ?
[…]
Extrait de La Bretagne sud des écrivains, Alexandrines, 2014.