HONFLEUR
Là où Alphonse… allait !
par Jean-Yves LORIOT
(extrait)
Un après-midi d’automne de l’année 1854, « parce qu’il faut bien naître quelque part », c’est à Honfleur et au 8 de la place de la Fontaine bouillante, qu’Alphonse Allais vient au monde. Le même jour qu’Arthur Rimbaud et l’éclairage au gaz. N’est-ce pas là deux bonnes raisons d’avoir des idées lumineuses ?… Et juste au-dessus de l’officine paternelle – son père y était pharmacien ; sa mère ne l’était pas, ce siècle ne le permettant pas encore.
Alphonse grandit parmi les bocaux aux étiquettes colorées et mystérieuses : « huile de petits chiens, pastilles de corne de cerf calcinée, diablotins stimulants »…
On penserait ces remèdes sortis d’un grimoire de sorcier, pourtant ces dénominations étranges aux matières premières curieuses étaient formulées dans la pharmacie française et officielle, préparées et vendues tous les jours par les potards Allais aux clients de l’officine. Ces étiquettes éveillèrent-elles l’esprit facétieux du jeune Alphonse ?
Sont-elles à l’origine des noms « sous-entendus » dont furent baptisés, des années plus tard, les personnages des chroniques de l’auteur Allais ?
Il est vrai qu’élève-potard, puisque son père le destine à prendre sa succession, le jeune Alphonse tente ses premières blagues sur les clients de l’officine.
Passionné par les « couleurs », bien avant de travailler avec Charles Cros sur le procédé de la photographie en couleur, il prépare dans le laboratoire paternel des teintures végétales. Avec les drogues, soigneusement rangées sur les étagères. Il les teste non seulement sur les torchons de l’officine, au grand désespoir de sa mère, mais surtout sur les chiens des voisins grincheux du quartier Sainte Catherine. Et combien de « chiens-chiens-à-sa-mémère » sont ressortis de l’officine, un jour, avec une belle couleur rouge ou verte, parce que le jeune Alphonse les avait plongés dans ses bacs de teinture !
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004