Hervé Jaouen à Ergué-Gabéric

ERGUE-GABERIC

Hervé Jaouen, la Cornouaille au cœur

par Ronan Manuel

C’est un fils de cheminot. La caisse en bois, qui stocke les bûchettes près de la cheminée, en atteste. C’est le père qui la lui a léguée. La caisse du chef de train, qui abritait le casse-croûte, le coup de rouge et le sac à viande, au fond, dans le wagon de queue, et faisait office de siège pour les longues heures de voyage.

Un fils de cheminot qui, après avoir découvert le Nouveau Roman au lycée, la littérature américaine à la fac et la critique sociale derrière le guichet d’une banque, a décidé de vivre. De sa plume, donc.

Faut dire que tout gamin, il y avait eu des profs, des bons, à l’ancienne, qui lui avaient donné l’Envie. Et même si les aventures du Mouron Rouge de la Baronne Orczy n’étaient pas précisément le terreau du syndicalisme ferroviaire, le goût de la lecture était bien là. Tout comme l’esprit critique.

Ensuite, l’envie de causer de sa tribu lui était venue à travers les noces, les réunions de familles, l’envie de parler de sa terre et de ses habitants avec leurs mots à eux et avec leur mémoire. Mais il fallait concilier cela avec les exigences littéraires naissantes du futur auteur. Et de l’univers de Robbe-Grillet à celui des paysans des bords de l’Odet, il y avait matière à réflexion…

Dans un bruissement de feuilles, là, derrière la porte, Farrell a déposé une nouvelle branche à l’étrange totem qu’il construit sur le perron. Farrell, c’est un English springer spaniel, le compagnon de chasse de l’écrivain. Avec son maître, et sa maîtresse, il règne sur ce petit bout de forêt, des environs de Quimper. Kerdevot. Une chapelle, quelques belles pierres colorées d’hortensias et Hervé Jaouen, de retour d’Irlande, vous ouvre la porte avec cette esquisse malicieuse au coin du regard. C’est mardi, donc on ne chasse pas. Et puis ce n’est pas encore l’époque de la bécasse. L’automne s’étire doucement, dans une lumière favorable aux soirées studieuses de l’écrivain.  Et c’est l’heure du thé.

[…]

Extrait de La Bretagne sud des écrivains, Alexandrines, 2014.

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