INGRANDES
Henry de Monfreid, d’une mer Rouge à l’autre
Par Georges Chatain
Pourquoi cet aristocrate languedocien, familier de Paul Gauguin et d’ Henri Matisse, insatiable coureur des mers, multi-trafiquant de perles, d’armes et de drogue, espion d’occasion, cultivateur de pavot à opium, peintre-faussaire, mais aussi journaliste et écrivain prolixe et puissant, a-t-il choisi, en 1947, à l’âge de soixante-neuf ans, de se sédentariser pour finir sa vie à Ingrandes, 335 habitants, bourg-frontière aussi terrien et paisible que possible entre Berry et Poitou ? Sauf erreur ou texte encore inédit, il n’a jamais jugé utile de donner une explication à ce choix. La seule qu’on puisse avancer relève de la coïncidence, de l’hypothèse ou du geste d’humour. Ingrandes est en Brenne, un terroir désolé de marécages et de landes, civilisé au Moyen-Age par le travail des moines, qui l’ont drainé, fertilisé et en ont fait le « pays des mille étangs », dont le plus étendu, cent-soixante hectares, est l’« étang de la Mer Rouge », ainsi baptisé, selon la chronique locale, au 13e siècle par Aimery Sénébaud, le seigneur du lieu, au retour des Croisades.
Henry de Monfreid, auteur de quelque soixante-dix romans et chroniques plus ou moins autobiographiques, des « secrets de la Mer Rouge » ( 1931) au « Feu de saint-Elme » (1973), est lui-même un personnage de roman. Il est le héros de « Fortune carrée », le premier et le plus célèbre des récits d’aventures de Joseph Kessel, il sauve Tintin et Milou de la tempête en Mer Rouge dans « les cigares du pharaon ».
Il est de ces écrivains, pas si nombreux dans les lettres françaises, qui ont besoin de nourrir leur inspiration littéraire de leurs aventures réelles. Impossible de les dissocier, et donc de faire l’impasse sur sa biographie…
Extrait de l’ouvrage : Balade en région Centre, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2013.