GUERET
Jouhandeau sur le lieu de ses crimes,
par Mathieu Riboulet
(extrait)
Marcel Jouhandeau est né en 1888 à Guéret, dans la Creuse, et mort presque un siècle plus tard, en 1979, à Rueil-Malmaison, en région parisienne… Entre-temps, et entre autres, il s’est fait tour à tour, et parfois simultanément, fils de boucher, enfant de chœur, professeur, transitoirement antisémite, époux, père adoptif, homosexuel, mais par-dessus tout écrivain, l’une des plumes les plus insolentes et singulières du siècle passé, laissant derrière lui une œuvre profuse de conteur, chroniqueur, portraitiste, de moraliste d’une précision stupéfiante au cœur de laquelle scintille désormais pour longtemps une ville peu scintillante, sa ville natale, l’une des plus petites préfectures de France.
Souvent les grands écrivains sont dans le gouffre qui s’ouvre constamment entre les mots et les choses, qu’ils remplissent d’une plume tantôt rageuse, tantôt élégiaque. Tout cela génère la plupart du temps infiniment de malentendus entre l’écrivain et ses modèles, de Marcel Proust au xxe siècle commençant à Pierre Jourde un siècle plus tard, en passant par Jouhandeau en délicatesse extrême, durable, avec les Guérétois. C’est invariablement le signe que la réalité a été malgré elle sommée de venir s’expliquer sur de plus nobles tréteaux que ceux qu’elle nous dresse d’ordinaire, qu’elle a dû se hisser où l’a convoquée l’écrivain, et nous avec, successivement acteurs dans le temps de l’action puis témoins dans le temps du récit, dans l’ordre supérieur de l’entendement, du sens enfin apparu.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009