BLOIS
François Villon, le vagabond de la Loire
par Bruno Guignard
De la vie aventureuse de François Villon, on ne connaît que ce que lui même nous laisse entrevoir entre les lignes de ses poèmes, parfois confirmé par de trop rares archives. Né à Paris vers 1431, élevé par un chanoine qui lui donne son nom, Villon fréquente très tôt les mauvais garçons de la capitale. À la suite d’un vol perpétré au collège de Navarre en 1457, il est obligé de quitter Paris et se condamne lui-même à mener une vie errante.
Le val de Loire l’attire et on le voit d’abord à Angers solliciter les faveurs du roi René. Il erre ensuite aux confins de la Bretagne, en Poitou. Mais bientôt c’est à Blois qu’il quémande l’asile auprès du duc Charles d’Orléans. Le prince, qui a alors dépassé la soixantaine, accueille volontiers dans sa petite cour ceux qui peuvent réjouir sa vieillesse par des poèmes et des jeux d’esprit. Villon participe à une joute poétique restée célèbre sous le nom de tournoi de Blois. La Ballade des contradictions, construite sur le premier vers Je meurs de soif auprès de la fontaine, rejoint dans l’album du duc dix autres ballades sur le même thème, écrites par Charles et ses familiers. Mais le poème de Villon surpasse de loin ceux de ses concurrents. Outre le tour de force qui consiste à intégrer une contradiction dans chaque vers, Villon traduit son mal de vivre à la cour de Blois :
Je meurs de soif auprès de la fontaine
Chault comme feu, et tremble dent à dent ;
En mon païs suis en terre loingtaine ;
Lez un brasier frissonne tout ardent ;
Nu comme un ver, vestu en president ;
Je ris en pleurs et attens sans espoir ;
Confort reprens en triste desespoir ;
Je m’esjouys et n’ay plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans povoir,
Bien recueully, déboutté de chacun…
Extrait de l’ouvrage : Balade en région Centre, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2013.