FONTENAY-SOUS-BOIS Hector Malot

FONTENAY-SOUS-BOIS

Un honnête homme à Fontenay : Hector Malot
par Christian MILLET
(extrait)

 

 

Né en 1830 dans le joli village de La Bouille, bordé par les eaux de la Seine, en aval de Rouen, Hector Malot renonce à embrasser une carrière juridique, au grand désespoir de son père, ancien notaire : «Drôle d’idée vraiment, de prendre une profession dans laquelle on n’a pas de clercs», s’exclamera celui-ci, quand le jeune frondeur gagne Paris vers 1855, décidé à faire sa place dans le monde de la littérature. Doté d’une volonté tenace et d’une remarquable capacité de travail, il publie les Amants en 1859 ; ce roman est aussitôt salué par les grands critiques littéraires : «Cachez-vous, travaillez, donnez-nous de beaux ouvrages et tenez pour rien le reste1», lui confie Hippolyte Taine, séduit par le talent de l’écrivain normand. Hector Malot retient la leçon.

Après la parution des Amours de Jacques (1860), et d’une série de reportages sur la Vie moderne en Angleterre (1862), Malot – désormais reconnu dans le monde des lettres – achète l’un des terrains que le baron Haussmann et la ville de Paris mettent en vente à l’orée du bois de Vincennes2. En 1864, il confie la construction de sa demeure à l’architecte Victor Poitrineau. C’est dans cette maison au cachet bien particulier que Malot – à l’abri des rumeurs parisiennes – va composer la quasi totalité de son oeuvre romanesque. L’écrivain est séduit par le charme rustique et majestueux de l’endroit : son terrain est planté d’arbres centenaires, de lauriers, d’aucubas et de mélèzes. La maison, située à quelques pas de la villa de son ami Ferdinand Fabre, a l’apparence d’un chalet, avec son élégant balcon du deuxième étage, coiffé d’un imposant chien-assis ; l’intérieur est confortable et rassurant : les nombreuses fenêtres laissent glisser la lumière du jour sur les magnifiques parquets à points de Hongrie. La glycine entoure la demeure, les pelouses associées à plusieurs massifs de fleurs soigneusement entretenus (rhododendrons, azalées, bégonias, roses rares) agrémentent encore le cadre de vie. Trois serres viennent agréablement compléter la floraison de la propriété au fil des saisons. N’oublions pas la passion de Malot pour le monde végétal ; la connaissance de la botanique, à laquelle l’a initié dès son jeune âge un jardinier normand, ne lui avait-elle pas permis de décrocher son premier reportage sur une exposition horticole, dans le Journal pour tous1 de Jules Simon ?

En effet, l’environnement végétal est intimement associé à la personnalité de Malot et à son écriture. Pouvaitil mieux choisir que cet endroit, baptisé par la suite «avenue de la Dame-Blanche» ? «Il est si joli, notre bois, plein de silence et de clarté. Je le connais dans ses moindres détails, je l’aime comme un ami, toujours accueillant et discret, qui serait capable de comprendre mon attachement et d’y répondre», confie-t-il à l’écrivain Georges Beaume en 18952.

C’est dans cette maison de Fontenay-sous-Bois qu’il va aussi connaître les chagrins de sa vie d’homme : son père y décédera en 1866, ainsi que sa femme Anna en 1880.

Retiré dans son chalet, Malot n’en cultive pas moins l’amitié et la solidarité. C’est lui qui, après la Commune, apporte un soutien sans faille à Jules Vallès dans son exil. L’appui et le réconfort de Malot, l’écrivain au grand coeur, ne firent jamais défaut. Après l’amnistie, Vallès se rend fréquemment à Fontenay. Lors d’une visite, en 1880, il dut repartir nu-tête. Le chapeau qu’il avait abandonné sur un arbuste fut complètement réduit en miettes par le caniche de sa fille Lucie, appelé – cela va de soi – Capi1. La retraite volontaire à Fontenay est aussi à l’image de l’homme : hostile à toutes les flatteries et fort jaloux de son indépendance d’esprit, il n’envisage jamais de se présenter à l’Académie française : «Elle attend qu’on vienne à elle, qu’on se prosterne devant son autorité, et je m’y refuse2», annonce-t-il fermement.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Val-de-Marne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2002

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